ÉDITORIAL
Les tiers-lieux comme laboratoires vivants du commun en train de se faire
Depuis quelques années, de nouveaux collectifs réinventent nos manières de faire ensemble, qu’il s’agisse de militer ou diffuser des biens et des services locaux, produire et partage des connaissances, apprendre et acquérir des compétences nouvelles, s’impliquer comme citoyennes et citoyens, contribuer à la vie de son territoire, faire espace public… Ici il s’agit d’un ancien équipement public maintenant co-géré avec un collectif d’habitants, là d’une ancienne cimenterie devenue lieu culturel, là encore d’un terrain en friche où se négocient les futurs projets et aménagements portés par des collectifs d’habitantes et d’habitants. Tous apportent des réponses nouvelles aux enjeux de solidarités, de liens sociaux, de transition et de résilience des territoires.
Ces lieux hybrides, ni tout à fait privés ni tout à fait publics, et les activités qu’ils abritent, sont des espaces de mise en commun, inventant au passage de nouvelles formes de prise de décision (partagée), de participation (contributive), de propriété (collective). Ils sont les témoins d’un véritable mouvement de résurgence des « communs », ces « ensembles de ressources collectivement gouvernées, au moyen d’une structure de gouvernance assurant une distribution des droits entre les partenaires et visant à l’exploitation ordonnée de la ressource, permettant sa reproduction sur le long terme”. A cela s’ajoute le principe de veiller à la non-appropriation.
Une enquête sur la rencontre entre droit et commun
En expérimentation perpétuelle, ces laboratoires vivants nous inspirent : et si demain ce qui s’invente, à petite échelle et parfois en bricolant, pouvait devenir une pratique pérenne et se diffuser ? Mais se développant généralement hors des cadres habituels, avec des modes de gestion et d’action qui les privent souvent d’une possibilité de recours au droit existant, ces communs sont également fragiles. Comment reconnaître et sécuriser ces pratiques de gestion, de gouvernance et de propriété en commun ? Et si la créativité juridique pouvait aider à la protection, à la pérennisation et au développement des communs ? Autrement dit, et en reprenant les mots de la philosophe Isabelle Stengers, « Comment le droit, édifice qui a entériné systématiquement l’éradication des communs, pourrait-il être une arme pour accompagner leur résurgence? ». Ce conflit apparent entre le droit existant et les pratiques des communs invite à de nouvelles formes de création normative. Les tiers-lieux se prêtent particulièrement à l’étude du dialogue entre pratique des communs et application du droit, dont ils cristallisent les problématiques : comment ces démarches expérimentales, qui participent à la création collective de règles, interrogent-elles le droit ? Comment lever les obstacles juridiques à la
création de communs, à leur pérennisation ?
Claire Annereau, assistante de projet à La 27e Région
Emmanuel Dupont, expert- conseiller Transformation de l’action publique et territoires à l’Agence nationale de la cohésion des territoires
Louise Guillot, cheffe de projets à La 27e Région
Théo Lachmann, chargé des partenariats à France Tiers-Lieux
Rémy Seillier, responsable du développement à France Tiers-Lieux