PRÉAMBULE
Le nombre de tiers-lieux recensés en France est en plein essor. Si au début des années 2010, seuls quelques dizaines de tiers-lieux étaient recensés dans certains territoires, le rapport de la Mission Coworking en identifie plus de 1 800 sur le territoire national en 2018 ; depuis, le GIP France Tiers-Lieux en a identifié plus de 2 500 en 2020 et environ 3 500 en 2023. Ce phénomène se traduit également en termes de rayonnement local. Les chiffres relatifs à la fréquentation des tiers-lieux témoignent de la montée en puissance de ce phénomène : en 2020, plus de 2 millions de personnes se sont rendues dans un tiers-lieu pour y réaliser des projets ou travailler.
Le terme de tiers-lieu recouvre pour autant des réalités très distinctes en termes d’activités, d’approches et de contextes locaux. Au-delà de leurs différences, ils se voient actuellement attribués, dans le débat public, trois grandes vertus qui constituent autant de promesses pour le devenir de l’action publique. Les tiers-lieux seraient d’abord des espaces neutres, conviviaux et ludiques, et surtout ouverts, car ils seraient libres d’accès pour l’ensemble des citoyen·nes qui souhaitent faire des rencontres, bénéficier d’activités et contribuer à des projets. Les tiers-lieux seraient ensuite des initiatives qui se définissent de manière évolutive en fonction des usages et des multiples activités proposées par les contributeur·ices bénévoles ou professionnel·les. Les tiers-lieux seraient, enfin, porteurs de nouvelles cultures de solidarité et de coopération sur les territoires via l’ouverture, le partage et la mise en commun de ressources ou d’expertises gratuites utiles pour les acteurs des territoires (citoyen·nes, associations, entreprises, collectivités, etc.). Autrement dit, les tiers-lieux dessineraient les contours d’une ambition : construire l’action publique autour de davantage de proximité, d’engagement citoyen, d’innovations et d’impacts issus des territoires eux-mêmes.
Le programme Nouveaux Lieux, Nouveaux Liens (NLNL) de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui vise à favoriser le développement et le déploiement des tiers-lieux en France, leur professionnalisation, leur mise en réseau, et leur coopération dans les quartiers de la politique de la ville (QPV) et les territoires périurbains et ruraux, a publié, en 2019, un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) intitulé « Fabriques de territoire« . Ce dispositif a visé à soutenir 300 tiers-lieux en France, via trois principaux leviers d’action : un label du même nom, un financement variant de 50 000 € à 150 000 € sur trois ans, et un accompagnement opérationnel par l’association nationale France-Tiers-Lieux. Premier appel à projet national de cette ampleur dédié au développement des tiers-lieux en France, l’AMI « Fabrique de territoire » : préfigure donc, à bien des égards, la construction d’une politique publique de soutien au développement des tiers-lieux.
La présente évaluation, réalisée par l’Agence Phare entre septembre 2020 et décembre 2022 à partir d’une méthodologie qualitative et participative, porte sur les effets de l’AMI sur les Fabriques de territoire. Plusieurs questions guident ce travail : dans quelle mesure l’État parvient-il à soutenir la diversité des initiatives de l’écosystème des tiers-lieux et quels sont les effets de ce soutien sur leur développement ? À quelles conditions les tiers-lieux soutenus par l’État peuvent-ils avoir des impacts sur les territoires ? Dans quelle mesure les relations entre les tiers-lieux et l’action publique en sont elles renforcées ? Le contenu et les conclusions de ce travail visent à nourrir le débat public sur l’utilité des tiers-lieux en France, et sur les leviers que l’Etat peut mobiliser pour soutenir leur déploiement et la montée en charge de leurs activités dans les territoires.