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Tiers-lieux, espaces de vie sociale et centres sociaux

La vision de la CAF de la Creuse

15 juillet 2024

Alors que de nombreux tiers-lieux disposent aujourd’hui de l’agrément “Espace de vie sociale” (EVS) de la CAF, des centres sociaux font évoluer leurs pratiques jusqu’à l’intégration de démarches tiers-lieux. Témoignages de Béatrice MOLEON, Directrice et Caroline PERROUD, Responsable action sociale de la CAF Creuse.

Cette carte blanche, en interrogeant des représentantes de la CAF de la Creuse, décortique d’une part l’agrément EVS, retrace d’autre part l’évolution de la vision de la CAF sur les tiers-lieux, et leurs complémentarités avec d’autres formes associatives sur les territoires, ces dernières années.

Des tiers-lieux sont agréés “Espace de vie sociale”. En quoi consiste cet agrément ?

La spécificité d’un agrément EVS est tout d’abord qu’elle repose sur l’élaboration d’un projet social, porté souvent par un groupe d’habitants et répondant à des problématiques sociales (isolement, absence de services, accès aux droits…).

L’agrément EVS repose sur des critères définis par la Caisse Nationale des Allocations Familiales et sont les suivants : l’Espace de Vie Sociale est un projet qui touche tous les publics et a minima : les familles, les enfants et les jeunes. Ses champs d’action sont multiples et adaptés aux besoins du territoire, son activité se déroule tout au long de l’année. Le statut et le mode de gestion du projet doivent favoriser la démarche participative. L’EVS développe prioritairement des actions collectives permettant le renforcement des liens sociaux et familiaux et les solidarités de voisinage ainsi que la coordination des initiatives favorisant la vie collective et la prise de responsabilité des usagers.

Au travers de son projet et de ses actions l’EVS poursuit 3 finalités de façon concomitante : lutter contre l’isolement social et les exclusions, favoriser le « mieux vivre ensemble » par le développement des liens sociaux, développer les compétences des personnes, les impliquer dans la vie sociale et citoyenne. L’EVS doit répondre à des valeurs fondamentales : le respect de la dignité humaine, la laïcité, la neutralité et la mixité, la solidarité, la participation et le partenariat. 

Quel regard portez-vous sur les tiers-lieux ? 

En Creuse, la  CAF porte un regard attentif aux tiers-lieux et à leur développement depuis plusieurs années. Ces structures hybrides se sont développées, en complémentarité ou en intégration des centres sociaux et EVS déjà présents sur le territoire. 

Au départ tournés vers des espaces de travail partagés, d’autres projets sont apparus, se rapprochant des critères de l’EVS. La mixité des publics accueillis, par l’entrée tiers-lieu, peut alimenter l’EVS et vice versa. La difficulté repose cependant sur la viabilité financière des structures, qui ont pu bénéficier d’une aide au démarrage, mais qui doivent ensuite trouver leur pérennité.

L’essor des tiers-lieux a permis de reconnaître cette approche parmi des centres sociaux et EVS pré-existants permettant d’amener des nouvelles perspectives en termes de développement local, de pratiques professionnelles, de modèle économique.

Diriez-vous que c’est propre à votre territoire ?

La spécificité de notre territoire relève d’une grande ruralité qui n’offre pas aux familles les services et lieux de rencontre qu’offrent le milieu urbain. En conséquence, la Creuse a toujours compté beaucoup d’initiatives associatives. L’organisation en réseau (TELA, réseau des tiers-lieux creusois), qui apporte soutien et ressources, est également un facteur d’innovation. Une dynamique partenariale départementale permet de coordonner nos accompagnements, afin qu’ils soient complémentaires.

Que dit l’apparition des tiers-lieux d’un point de vue social ?

Sur notre département, beaucoup de tiers-lieux sont créés à l’initiative de « nouveaux habitants » à la recherche de lieux de rencontre, d’offres culturelles, d’appui à des projets professionnels ou personnels. Les tiers-lieux regroupent souvent des communautés d’individus qui ont en commun une vision alternative de la société.

Certains centres sociaux, à l’instar de La Palette à Dun-le-Palestel (23), font également évoluer leurs pratiques jusqu’à l’intégration de la démarche tiers-lieu, que pouvez-vous nous en dire ?

Dès lors que la démarche tiers-lieu vient alimenter le projet EVS, en répondant à un besoin des habitants, ou qu’elle vient compléter des actions déjà menées en apportant de nouveaux publics, cette hybridation est intéressante et structurante. Toutefois elle ne peut constituer en soi un modèle. C’est ce qui nous a séduit à l’apparition des tiers-lieux. Nous y avons vu une opportunité de « revisiter » des pratiques professionnelles, des champs d’intervention, des organisations des structures EVS et centres sociaux. Finalement, nous constatons que les divergences créent de l’émulation et que les spécificités de l’animation de la vie sociale se sont bien diffusées et ont orienté des projets de tiers-lieux.

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.