Il y a tout juste 20 ans, le festival Cabaret Vert, créé par l’association FLAP lance sa première édition, dans la ville de Charleville-Mezières avec pour mot d’ordre éco-responsabilité et ancrage territorial. En 2015, après 10 ans d’expansion, FLAP décide de se réinventer et de décliner l’identité du festival dans un lieu permanent situé sur la friche industrielle de la Macérienne. Lauréat « Manufacture de Proximité » en 2022 et « Deffinov » en 2023, le projet de tiers-lieu commence aujourd’hui à voir le jour avec notamment l’inauguration de La Halle, au cœur de la réhabilitation de l’ancienne usine, qui propose une offre de production et de formation autour du bois. Alors que dans la région Grand Est, 61% des tiers-lieux développent des actions de formation et d’apprentissage et 23% disposent d’outils destinés à la production, Fabian Pilard, vice-président de l’association FLAP et Christophe Milhau, chef de projet des ateliers partagés de La Halle, nous relatent la genèse d’un festival devenu tiers-lieu.
Genèse d’un festival engagé
« Ce qui nous intéressait c’était de faire rayonner notre territoire : les Ardennes ont une carte à jouer de par leur situation géographique » affirme Fabien Pilard. La création du festival s’accompagne ainsi d’un travail de fédérations des acteurs aussi bien publics que privés (plus de 600 à ce jour). Connu pour sa programmation culturelle avec des têtes d’affiche comme DJ Snake, Zaho de Sagazan, Queens of the Stone Age ou encore MC Solaar (édition 2025) le Cabaret Vert est aussi un festival de BD, où l’on peut écouter et discuter avec Julien Neel, Frank Margerin ou encore Riff Reb’s (édition 2024). Mais ce qui teinte avant tout le festival c’est son engagement en faveur du développement durable dans les arts du spectacle et son rôle pour la transition écologique de son territoire. « Quand on a 20 ans c’est plus simple d’utiliser un outil festival de rock, qu’un outil d’exposition de timbre au service du développement durable » rigole Fabien Pillard, tout en précisant que l’équipe fondatrice compte avant tout des bâtisseurs, et non des acteurs de la culture.
Du festival au tiers-lieu
« Pour nous, tout ça c’est une galaxie dont la première pierre a été posée il y a 20 ans avec un festival qui a aujourd’hui une renommée nationale, voire internationale, et on souhaite ajouter dans cette galaxie le lieu permanent du Cabaret vert. »
Ainsi, après avoir fait sa place dans la région Grand Est avec son festival (10 000 personnes en 2005 et 110 000 personnes en 2024), l’association FLAP lance en 2015 une concertation interne (avec un peu plus de 200 personnes sur 2 ans) sur l’avenir du Cabaret Vert : des centaines d’idées ressortent avec comme dénominateurs communs : l’envie d’être présent sur un lieu permanent et d’étendre les actions de production et de sensibilisation à l’année. Un accord est alors conclu avec Ardennes Métropole pour réhabiliter et installer un tiers-lieu dans la friche de la Macérienne, une ancienne usine datant de 1894. « En plus de la production et des formations autour du bois [qui existent d’ores et déjà], on aura une salle de diffusion de musique actuelle autour des différentes cultures, une micro-brasserie, des salles de réunion, un espace de coworking, une auberge de jeunesse 2.0, un foodcourt, un bar, un équipement pour le 7e art, un resto bistronomique, une école de musique et une ressourcerie, mais aussi des activités autour du vélo… » FLAP crée ainsi l’association TRAPÈZE pour gérer le projet qui a pu bénéficier de l’aide du programme « Manufacture de Proximité » de l’ANCT en 2022, ainsi que de l’appel à projets DEFFINOV (Région Grand Est) en 2023. Des travaux de remise en état et de dépollution auront cours jusqu’en 2028, mais une première partie du lieu, La Halle, avec les ateliers partagés du Cabaret Vert, est déjà mise à disposition des professionnels du spectacle depuis septembre 2024 et du grand public, depuis mars 2025. Si TRAPÈZE porte la dynamique et les valeurs communes du lieu, l’idée est vraiment de faire réseau avec d’autres opérateurs pour leur offrir un espace dont ils peuvent s’emparer.
Structuration d’une filière de production
Plutôt que de faire du bâti de la Macérienne un simple lieu de stockage des décors et matériels du festival, les équipes du Cabaret Vert réfléchissent aux possibilités d’utiliser cet espace comme manufacture de production à destination des équipes décoration du festival, des autres professionnels du spectacle, des artisans comme des particuliers. « Avec nos nombreux partenaires, on fédère déjà un gros tissu économique local, notamment technique et industriel, comme avec le CFA du BTP » indique Christophe Milhau, chef de projet sur les ateliers de La Halle. Très vite naît l’idée de promouvoir une filière « bois », peu développée sur le territoire, auquel seraient associées des formations qualifiantes et diplômantes.
Mais pourquoi la « filière bois » ? « C’est non seulement un besoin de notre équipe décorations, mais aussi une volonté de compléter l’offre d’équipement déjà bien développé autour du métal. L’idée est de proposer des parcours connexes en partenariat avec ces autres acteurs » ajoute Christophe Milhau. Pour ce faire, il s’agit avant tout de créer du maillage avec toutes les ressourceries alentour, notamment avec la structure Bell’Occas (qui fait partie du groupement COOPELIS, porteuse de structures en chantiers d’insertion), une ressourcerie qui travaille différents matériaux en récupérant les invendus de grandes surfaces, comme Leroy Merlin, mais aussi d’autres acteurs de l’économie circulaire pour récupérer leur matériel autour du bois. « Il y a une filière à mettre en place qui n’existe pas complètement sur le territoire. Mais on sait que tant en apport qu’en sortie de production, il faut arriver à accompagner cette chaîne pour qu’elle soit la plus pertinente possible et la moins productrice de déchets perdus. » L’ADN originel de développement durable du festival perdure dans La Halle qui aura pour fonction de concevoir et fabriquer différents éléments au profit des futures activités du tiers-lieu La Macérienne, mais aussi de fabriquer des éléments de scénographie pour d’autres événements artistiques du territoire, comme le célèbre festival de Marionnettes de Charleville-Mézières.
Les Ateliers partagés du Cabaret Vert
Structurer une filière autour du bois nécessite aussi d’être en mesure de former de futurs spécialistes de la matière. Les ateliers partagés souhaitent ainsi proposer plusieurs types de formation (grâce au soutien de DEFFINOV) : une formation découverte des métiers du bois pour un public en reconversion professionnelle ou demandeur d’emploi (qui permettra d’être un tremplin vers une formation qualifiante de menuiser-agenceur), une formation de décorateur de spectacle vivant autour du bois, ou encore une formation pour utiliser des outils numériques dans le secteur « bois » (en 2026) « On a commencé à équiper des ordinateurs en CAO et FAO pour piloter un centre d’usinage numérique qui travaille le bois et qui est piloté par l’informatique. » La structure n’étant pas qualifiée Qualiopi, les ateliers partagés sont en lien avec des organismes de formation reconnus et certifiés, comme le CFA BTP qui ont un volet formation « bois » et « logiciel CAO ». Dans le cadre de DEFFINOV, « on fait fonctionner notre maillage territorial pour aller chercher des opérateurs qui ont l’expertise, les connaissances et les certifications pour mettre en place les formations. » Inscrit dans l’esprit du Cabaret Vert, les ateliers partagés sont avant tout un espace pour expérimenter : « plus il y aura d’opérateurs autour de la formation, plus ce sera enrichissant. » Cependant, même s’il y a déjà un certain nombre d’inscrit aux formations, l’inauguration des ateliers partagés ayant eu lieu il y a un mois (en mars 2025), il est encore trop tôt pour avoir des retours d’expériences et une idée de l’impact des premiers jets de la Macérienne sur le territoire.
À ce jour, les associations FLAP (Cabaret Vert) et TRAPÈZE (La Macérienne) continuent à foisonner d’idées pour l’ouverture complète du lieu. Par exemple, une autre structure, La Macérienergie, créée avec l’agglomération a pour objectif de réhabiliter l’ancienne turbine hydroélectrique de la friche pour la remplacer par une aux normes actuelles et devenir ainsi un site uniquement pourvu en énergie renouvelable !

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.