Article

BASICC : une dynamique européenne sur la formation dans les tiers-lieux

Les formations aux espaces communs développées en France et en Europe

24 novembre 2025

BASICC (Building Alternative Skills to Implement Creativities and Commons) est un partenariat européen “Alliances pour l’innovation” réunissant 15 organismes de formations, établissements d’enseignement supérieur et acteurs des espaces communs en Allemagne (Alte Mu), Belgique (Communa, EVTA), France (AFPA, EHESP, Plateau Urbain, Yes We Camp, Ancoats, Coop’Eskemm), Lettonie (Vidzeme University of Applied Sciences, Free Riga), Italie (SMK, Libridazioni, ENAIP NET), Turquie (Yeditepe University). Le programme visait à faciliter la rencontre et le travail en commun entre les différentes organisations membres du consortium BASICC. Fransez Poisson, membre de la coopérative rennaise Coop Eskem et coordinateur du projet, revient sur les résultats de ce projet de coopération européenne autour de la transmission de compétences propres aux tiers-lieux, et à l’essaimage de celles-ci dans les programmes d’universités et d’acteurs de la formation professionnelle.

Axes de travail : essaimer les compétences pratiques et réflexives des tiers-lieux

Le premier axe de travail est coordonné par l’European and Vocational Training Association (EVTA) et concerne les liens entre les acteurs de l’organisation des espaces communs, les établissements d’enseignement supérieur et les organismes européens de formation. Pour travailler sur les problématiques et valeurs communes, des séminaires ont été organisés afin de développer de nouvelles connaissances sur les espaces communs. Le premier événement s’est tenu en janvier 2024 à Padoue, au siège de l’organisation italienne ENAIP NET puis à Naples en septembre 2025, avec pour objectif d’identifier et de construire des compétences pour continuer à occuper les espaces communs, notamment en Lettonie (avec Free Riga et l’Université des sciences appliquées de Vidzeme) et en France (à Rennes, avec l’espace appelé le Bâtiment à Modeler).

Le deuxième axe de travail porte sur les compétences en organisation communautaire, à travers la mise en place de nouveaux programmes de formation tout au long de la vie en Europe. Yes We Camp (France), en partenariat avec Ancoats et l’Université Gustave Eiffel, a piloté l’organisation de trois sessions européennes de la certification universitaire française Espaces Communs à Bruxelles, Riga et Naples. 

Le troisième axe de travail concerne les compétences réflexives. Il a été mené par les membres de l’Asilo (Naples, Italie) dans cinq villes : Naples, Paris (avec Plateau Urbain et l’EHESP), Kiel (avec Alte Mu), Istanbul (avec l’Université Yeditepe) et Bruxelles (avec Communa). L’objectif de cette recherche-action était de produire de nouvelles connaissances sur les espaces communs et d’identifier les capacités de recherche des acteurs occupant les espaces vacants laissés par les mutations urbaines.

Le quatrième axe met l’accent sur les compétences en gestion de lieux, destinées aux personnes ayant besoin de nouvelles qualifications, grâce à un programme de formation animé par l’AFPA (France). Ce projet vise à permettre aux apprenants de finaliser leur formation dans des tiers-lieux, en utilisant un système d’apprentissage en milieu de travail.

En développant de nouveaux parcours de formation ou en adaptant ceux existants, BASICC a contribué au processus de structuration et de professionnalisation des espaces communs en Europe.

Résultats : un langage commun et des applications concrètes 

BASICC a eu des effets concrets sur les acteurs des espaces communs français membres du consortium. Trois des quatre acteurs des espaces communs ont choisi de devenir des organismes de formation au cours du projet. Ces organismes, Yes We Camp, Ancoats et Coop’Eskemm, indiquent ainsi que BASICC a contribué au développement de leurs stratégies de formation, notamment en diversifiant leur offre de formation à l’organisation et à la gestion des espaces communs. Le partenariat a également été l’occasion de mieux comprendre le fonctionnement et l’intervention des organismes de formation. Le programme a aussi permis de lancer des activités de formation en collaboration avec des organismes agréés. Il y a donc eu une stratégie convergente en matière de formation. BASICC a facilité la découverte de la formation professionnelle en France, mais aussi en Italie, où l’ENAIP NET, organisme national, a été impliqué. Enfin, BASICC a également donné l’opportunité aux organismes français de numériser des contenus de formation via la plateforme runacommon.eu. Les contenus de formation existants ont été téléchargés sur cette plateforme, tout comme les nouveaux contenus liés au projet BASICC. L’AFPA, organisme de formation membre du consortium français, a principalement soutenu les initiatives mises en œuvre par les acteurs de la société civile.

Les organisations actives dans les espaces communs ont également pu renforcer leurs partenariats universitaires. Les deux années de BASICC ont par exemple été l’occasion de développer des contenus de formation sur les espaces communs et les tiers-lieux dans plusieurs programmes de master, comme par exemple à l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes et à l’Université Paris 1. Au-delà du travail régulier avec des universités françaises, BASICC a permis de rencontrer d’autres universités européennes.

Au niveau européen, BASICC a joué un rôle clé dans la création du nouveau diplôme sur les espaces communs en Lettonie. Tout d’abord, BASICC a fourni les ressources nécessaires pour envisager le lancement d’une telle initiative. Le projet a aussi donné un cadre de travail avec la Vidzeme University of Applied Sciences engagée dans le partenariat. Grâce au financement, une équipe professionnelle a pu être recrutée afin de développer la formation. Les moyens disponibles ont aussi été utilisés pour améliorer l’infrastructure de formation et ainsi équiper les espaces dédiés aux activités pédagogiques.

Un autre effet concret du programme BASICC a été la formation des participants aux méthodes de recherches-actions, par la réalisation de micro-enquêtes collectives à Istanbul, dans plusieurs espaces communs identifiés localement. Ceci a concrètement permis aux participants de disposer de nouvelles connaissances conceptuelles et empiriques sur les recherches en sciences sociales appliquées aux espaces communs.

Les programmes développés en coopération s’autonomisent désormais tandis que leurs avancées seront documentées à mesure, afin d’augmenter le patrimoine informationnel commun autour des compétences et de leurs modalités de transmission pour l’écosystème des tiers-lieux et de la formation en Europe, générer des jurisprudences et enrichir les axes de plaidoyer à l’échelle européenne pour la structuration de programmes de formation en coopération entres espaces communs, tiers-lieux, universités et acteurs de la formation professionnelle.

Crédits photo : Robin Girard

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.