Des côtes normandes de la Manche au littoral Atlantique des Landes, deux regards sur la robustesse et la pérennité du modèle des tiers-lieux : Ophélie Deyrolle, cofondatrice du WIP, un tiers-lieu emblématique qui a jeté l’éponge en juillet 2023 et Vincent Péchaud cofondateur de la Smalah, un tiers-lieu protéiforme en pleine réflexion existentielle.
Sur le Plateau de Colombelles près de Caen, le tiers-lieu le WIP (Work In Progress) a fait revivre un patrimoine industriel local : 3 250 m2 de bâti et 2 hectares d’espaces extérieurs opérés jusqu’en 1993 par la société Métallurgique de Normandie et à l’abandon depuis. Le projet a démarré par une phase d’expérimentation dès 2016 afin de préfigurer le tiers-lieu et motiver la réhabilitation du bâtiment. Le WIP a finalement ouvert ses portes en octobre 2019, cinq mois avant la crise sanitaire. Le déploiement de ses différentes activités s’est donc fait dans un contexte très difficile et en juillet 2023, après une année pourtant prometteuse, le tiers-lieu s’est déclaré en cessation de paiement. Comment expliquer la fermeture d’un tiers-lieu d’une telle envergure, et aussi rapidement ? Aurait-elle pu être évitée ? Que vient-elle révéler sur le modèle de financement et de gouvernance des tiers-lieux ?
Dans les Landes, à Saint-Julien-en-Born, la Smalah, une association d’éducation populaire construit depuis 2015 une boîte à outils au service du territoire. Son nom vient rappeler les tentes des caravanes dans le désert. Le tiers-lieu se compose aujourd’hui de plusieurs tentes : un café associatif, un campus rural, un atelier de fabrication, etc. Malgré l’étendue de son activité et son utilité démontrée pour le territoire, la complexité et la précarité des financements du tiers-lieu poussent la Smalah à s’interroger sur son modèle et parfois sur sa nature-même.
Ce grand entretien en compagnie d’Ophélie Deyrolle (Le WIP, désormais directrice de l’Association Nationale des Tiers-Lieux) et de Vincent Péchaud (La Smalah) nous livre une analyse introspective des tiers-lieux par celles et ceux qui les font.
Pourriez-vous revenir sur les raisons de la fermeture du WIP ?
Ophélie Deyrolle : La raison première tient en un acronyme : COVID. Nous avons ouvert cinq mois avant le premier confinement. Dans nos projections, nous avions tablé sur trois ans pour déployer nos activités et roder notre modèle économique. Nous avions aussi besoin de pratiquer le lieu afin de tester ses capacités. Nous avions notamment des incertitudes sur le dispositif de chauffage de l’espace événementiel. Les mesures de fermeture au public et de jauges limitées qui ont duré jusqu’à l’été 2022 nous ont donc privés de ce temps de montée en puissance et des revenus attendus de l’activité événementielle et de la location d’espace. Venant d’ouvrir, nous n’avions pas de chiffre d’affaires de référence ce qui nous a empêchés d’avoir accès à certaines aides de l’État mis en place pendant cette période, notamment le Prêt Garantie par l’État (PGE) et l’aide au paiement des charges afférentes au bâtiment. Dans cette situation, nous ne pouvions honorer ni l’augmentation progressive du loyer sur trois ans, ni les charges du bâtiment, telles que négociées à la signature du bail avec la SEM Normandie Aménagement, propriétaire du site pour le compte de la communauté urbaine Caen la mer. En réponse à cette circonstance exceptionnelle, nous avons été exonérés de la première année de loyer, soit 50 000 euros. En revanche, à partir de 2021, le bailleur a exigé le paiement du loyer sur le schéma prévu à savoir 100 000 euros en 2021 et 150 000 euros en 2022. Une conciliation juridique a conduit à une proposition d’étalement de la dette sur 15 ans, qui s’élevait alors à 200 000 euros. Cependant, en raison de l’absence d’activité, elle allait continuer à courir et s’additionner à une dette de 400 000 euros contractée au démarrage de l’activité (fonds de roulement, achat d’équipements et de mobiliers). Au regard de notre modèle économique, notre taux d’endettement n’était alors plus viable, même avec un premier exercice post-covid prometteur (un million d’euros de chiffre d’affaires).
En outre, au-delà du choc conjoncturel du COVID, il est apparu que le système de chauffage de la grande halle n’était pas performant et son coût de fonctionnement exorbitant, ce qui nous empêchait d’utiliser la halle six mois par an, mettant à mal nos prévisions de revenus sur l’événementiel. Il était, donc, nécessaire de réaliser des travaux d’isolation thermique pour pouvoir envisager une suite, ce que la communauté urbaine a refusé. Dans ces conditions, le modèle économique du projet fortement basé sur l’événementiel ne tenait plus, ce qui impliquait de le changer et de lancer de nouvelles activités, mais elles n’auraient porté leurs fruits que deux à trois ans plus tard. Dans l’intervalle, la dette se serait encore aggravée.
La fermeture d’un tiers-lieu emblématique comme le WIP vous a-t-elle surpris ? // La fermeture du WIP a-t-elle surpris les élus locaux et vos partenaires ?
Vincent Péchaud : Ce n’est pas totalement une surprise étant donné la réalité économique et les conditions de travail dans les tiers-lieux aujourd’hui. En revanche, j’ai du mal à comprendre comment un tiers-lieu de cette ampleur, avec autant d’activités et d’ambition en termes d’impact sur le territoire, a pu fermer sans que cela ne mobilise les élus locaux. Donc, je m’interroge sur l’état des relations entre le tiers-lieu et les collectivités et leur implication dans le projet. En fait, cette fermeture souligne peut-être la contradiction entre l’impact social et économique des tiers-lieux sur un territoire et leur fragilité économique. Cela pose la question de la reconnaissance et de la valorisation de l’action des tiers-lieux par les puissances publiques. En tous cas, c’est une question qui fait écho à nos réflexions actuelles sur la pérennisation de nos activités.
Ophélie Deyrolle : Difficile à dire, mais en tous cas, la nouvelle a pris tout le monde de court. Nous avons eu beaucoup d’échanges avec les collectivités partenaires. Un audit financier avait été commandité par la communauté urbaine de Caen la mer et nous avait donné raison sur la nécessité de décaler l’augmentation des loyers, de maintenir l’équipe actuelle et même de recruter. Pourtant, la procédure juridique de conciliation n’a pas abouti. Nous avons fini par comprendre que le dialogue était rompu avec nos partenaires territoriaux. Nous avons alors préféré dire « non, pas dans ces conditions » et provoquer un électrochoc, car la suite était écrite : une mort à petit feu et en silence avec les conséquences que nous connaissons bien dans le milieu social et solidaire (manque de moyens, sous-staffing, épuisement au travail, burn out etc.). La seule chose que nous pouvions encore maîtriser, c’était le moment où on allait s’arrêter.
Avec le recul, je me rends compte que les élus locaux n’ont jamais véritablement adhéré au contenu du projet du WIP. Ils se sont intéressés au projet de tiers-lieu car il permettait de mobiliser des subventions pour réhabiliter un patrimoine local auquel la population est attachée. Ils ne se sont jamais sentis solidaires du projet d’activité et c’est ce qui explique en réalité la fermeture du WIP. Je suis depuis longtemps convaincue que les tiers-lieux ne peuvent être utiles au territoire que s’ils sont gérés par des collectifs citoyens et coopératifs, mais j’ai compris, à présent, qu’on ne peut pas faire sans la coopération et l’implication des collectivités. Les tiers-lieux pour se pérenniser ont besoin de s’inscrire d’une façon ou d’une autre dans les politiques territoriales.
Quelle est votre analyse sur l’économie des tiers-lieux : faut-il résister à l’injonction qui leur est faite de trouver un modèle économique en dehors des financements publics, aller vers une forme d’institutionnalisation pour les pérenniser ?
Vincent Péchaud : Je ne vois pas comment les tiers-lieux pourraient fonctionner sans financement public dès lors qu’ils mènent une action d’intérêt général. Nous avons, par exemple, tenté de trouver un équilibre économique avec notre café associatif en nous appuyant sur les recettes liées aux consommations. Mais le principe d’un café associatif, c’est d’exister là où il y a un désert social et de proposer des tarifs accessibles. S’il n’y avait plus un seul café à Saint-Julien en Born, un village de 1 500 habitants proche du littoral mais trop en retrait pour bénéficier des flux touristiques, c’est qu’il y avait une raison économique à cela. L’expérience n’a donc pas été concluante. Ce sont les activités de formation, d’éducation ou de communication que nous menons dans cet espace qui permettent de maintenir le café associatif. Cependant, nous ne parvenons pas sur l’ensemble de nos activités à financer les fonctions supports, car les aides que nous touchons sont des aides au projet, ce qui nous maintient dans une survie économique plutôt que dans une vie économique, avec d’importantes conséquences sur l’épuisement des équipes.
En l’état de nos réflexions, nous cherchons à rapprocher certaines de nos activités de modèles institutionnels existants. Par exemple, nous pensons que notre café associatif remplit finalement le rôle d’un centre social et culturel. Nous avons l’agrément « espace de vie sociale » comme beaucoup de tiers-lieux, mais pourquoi ne pas aller plus loin et basculer sur un financement pérenne de la CAF en obtenant l’agrément « centre social et culturel » ? Concernant le pôle formation, nous travaillons notamment autour de l’artisanat et de la réparation. Par exemple, les étudiants construisent des tiny house destinées à héberger des saisonniers, ce qui vient répondre à un problème récurrent sur le territoire. Ce genre de formations, financées par des aides à l’expérimentation, n’auraient pas vu le jour en dehors du tiers-lieu, mais elles pourraient continuer dans un autre cadre, reste à savoir lequel, car la spécificité de ces formations est justement d’être en dehors du cadre. On songe, peut-être, à devenir un chantier d’insertion, mais sans certitude sur la capacité de l’association à porter une telle transformation et sur le fait que l’État continue à investir dans les contrats aidés.
Ophélie Deyrolle : S’il n’y avait pas eu le COVID, l’histoire aurait été totalement différente et je pense que notre modèle économique aurait été viable. Cela dit, une des leçons que je retiens de l’expérience du WIP, c’est que dans l’économie sociale et solidaire, les organisations sont souvent insuffisamment capitalisées. Nous n’avions que 50 000 euros de fonds propres, alors qu’au regard de l’envergure du projet, il aurait fallu un capital de départ de 300 000 euros.
En outre, le fait d’être simplement locataire du lieu qui est intrinsèquement lié au projet pose un problème de gouvernance et de crédibilité financière. Le WIP s’inscrit dans la lignée des lieux infinis tels que conceptualisés par Encore Heureux, l’agence d’architectes qui a rénové la grande halle, et qui dit « lieux infinis », dit capacité à transformer le bâtiment dans le temps en fonction de l’évolution des usages et des besoins. Mais nous n’avions aucun levier de gouvernance sur le bâtiment, comme nous avons pu le constater au sujet de la rénovation thermique de la grande halle. Il aurait au moins fallu qu’un budget « travaux futurs » soit inclus dans le coût initial de la réhabilitation et inscrit dans la convention afin de pouvoir l’activer en fonction des besoins. Ensuite, si nous avions pu justifier d’un actif immobilier auprès des banques, cela aurait complètement changé la donne en termes d’endettement possible. A ce propos, nous avions envisagé le rachat du bâtiment par une foncière citoyenne, ce qui nous aurait permis d’aller chercher des financements pour les travaux, mais la proposition a été rejetée.
Pour répondre à l’institutionnalisation, dans notre quête de solution pour que tout cet investissement humain et financier trouve une issue et une suite, nous avons proposé à nos partenaires publics de transformer la SCIC en société d’économie mixte (SEM). Entrer à la gouvernance d’une SCIC n’intéressait pas la communauté urbaine de Caen la mer parce qu’elle aurait été minoritaire, ce qui n’aurait pas été le cas avec une SEM. Le projet de SEM ayant été refusé, nous ne saurons pas ce qu’il serait advenu du tiers-lieu dans ces conditions, mais pour ma part, j’aurais certainement quitté la direction du WIP.
Quel autre modèle serait-il possible pour mieux sécuriser l’économie des tiers-lieux ? D’une certaine façon, le principe de singularité qui a cours dans le mode de financement du cinéma pourrait-il être une piste ?
Vincent Péchaud : Je viens du monde de la production et des médias, le modèle de financement du cinéma français pourrait effectivement être une inspiration pour les tiers-lieux et les structures publiques. En effet, comme pour les tiers-lieux, il est difficile de prédire le succès d’un film, on parle d’économie du prototype ou de principe de singularité. L’important, dans ce type d’économie, c’est de limiter les risques et de s’appuyer sur des processus de création éprouvés, un peu à l’image de la documentation des tiers-lieux très courante dans le milieu. Pour dérouler l’analogie, le financement du cinéma par le CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image Animée) comporte plusieurs types d’aides : aide à l’écriture, aide au développement, aide à la production, aide à la distribution… Il serait peut-être judicieux de créer un CNC des tiers-lieux, un CNTL en quelque sorte, qui donnerait plusieurs entrées : une aide à l’écriture du projet – trop sous-estimée et pourtant essentielle -, une aide au développement et à l’expérimentation, et enfin une aide à la pérennisation du projet via des conventions pluriannuelles qui s’apparenterait à l’aide à la production au cinéma. L’aide à la distribution pourrait se traduire par une aide à l’essaimage ou à la diffusion de l’activité au-delà du lieu. L’intérêt des différentes aides dans le cinéma, c’est qu’elles permettent à chaque étape du processus de faire levier pour obtenir d’autres financements. Alors, certes, le CNC est autofinancé par les recettes des salles de cinéma et par le fait que les films étrangers alimentent les caisses sans toucher d’aide. Aussi, il est difficile d’imaginer un système similaire pour les tiers-lieux, à moins d’avoir une vision plus large, par exemple, en intégrant l’économie sociale et solidaire avec un système de contributions des fondations, des mutuelles, etc. ou encore en fléchant des aides sociales sur la création d’activité de type tiers-lieu. Finalement, Pôle Emploi finance déjà officiellement ou non de nombreuses personnes dans l’écriture de projets lucratifs et non lucratifs via l’ACRE, l’assurance chômage, etc.
Pour continuer l’analogie avec la culture, on pourrait imaginer une sorte de droit d’auteur qui permettrait de financer de nouvelles expérimentations lorsque des activités pensées et testées au sein du tiers-lieu trouvent une forme d’autonomie. Nous avons par exemple contribué à la création de la coopérative du Born pour répondre à un besoin alimentaire du territoire : fournir des repas locaux et bio dans la restauration collective. Nous avons incubé ce projet et il est aujourd’hui économiquement autonome. Les tiers-lieux s’inscrivent, selon moi, dans une économie de l’interstice, un espace vacant qui n’intéresse pas les acteurs économiques mais qui représentent un intérêt social et économique pour le territoire et qui, une fois expérimenté et modélisé, peut donner lieu à une activité pérenne et indépendante du tiers-lieu, tout en favorisant des synergies avec lui (mutualisation de bâtiments, répondre ensemble à des appels à projet, etc.).
Ophélie Deyrolle : L’analogie est intéressante, car, comme au cinéma, le processus de création d’un tiers-lieu passe par plusieurs étapes. La phase d’amorçage qui correspond à l’écriture d’un film reste un impensé des partenaires financiers et des collectivités. Si on regarde le WIP, c’est trois ans et demi d’activités ouvertes au public, mais c’est aussi trois ans et demi de travail en amont pour écrire et préfigurer le projet, une étape souvent financée indirectement et officieusement par Pôle Emploi. La segmentation des financements entre écriture, développement, production, etc., permettrait de structurer une stratégie dans le temps. Dans le milieu des tiers-lieux, les porteurs de projet cherchent souvent à aller le plus loin possible sans décoller la tête du guidon. Leur pari est d’exister rapidement sur leur territoire, de devenir suffisamment important pour s’assurer une pérennité. Mais cette stratégie n’est pas toujours payante, car elle ne permet pas d’embarquer les partenaires dans le projet, elle vise plutôt à les mettre devant le fait accompli.
L’expérience du WIP m’amène également à penser que nous avons besoin de mécanismes de solidarité entre les tiers-lieux ou plus largement au sein de l’économie sociale et solidaire. Un dispositif qui pourrait être activé dans le cas d’un choc économique exceptionnel comme nous l’avons vécu avec le COVID, mais aussi dans le cas d’un changement soudain de politique publique, par exemple suite à une élection municipale, ou encore d’un non-renouvellement d’une convention d’occupation précaire. Il faut, en outre, trouver des mécanismes de soutien très rapides car même si certaines situations peuvent être anticipées, la sonnette d’alarme est rarement tirée suffisamment en amont. Détecter des faisceaux d’indices concordants pour anticiper les chocs à venir devrait d’ailleurs devenir un enjeu de résilience pour les tiers-lieux en raison du contexte social et environnemental de plus en plus difficile.
Les vastes friches industrielles nourrissent l’imaginaire des tiers-lieux, mais ne sont-elles pas aussi un piège au regard de la transition écologique ? Faut-il mieux réfléchir aujourd’hui à l’habitabilité des lieux avant d’en faire un tiers-lieu ?
Vincent Péchaud : La dimension esthétique et symbolique des lieux occupés par les tiers-lieux est importante, mais il est vrai qu’il faut à présent faire cohabiter l’esthétique, le symbolique et la durabilité. La mairie de Mimizan nous a contacté concernant un projet d’hébergement de saisonniers dans une ancienne hélistation au bord de la mer, composée d’un hangar à hélicoptères avec un tarmac et un héliport. C’est un lieu magnifique et on est en train d’écrire un projet de tiers-lieu-auberge. Il s’agit de sortir du côté « dortoir » et de construire un lieu de vie avec une fonction de formation dans l’idée d’ancrer les jeunes saisonniers de façon plus pérenne sur le territoire. L’architecte Nicole Concordet, familière des rénovations de friches, à l’instar du Lieu Unique à Nantes ou du Confort Moderne à Poitiers, a accepté de passer deux jours avec nous pour réfléchir à la réhabilitation de ce vaste bâti et nous comptons faire appel à une foncière solidaire pour lever les fonds nécessaires à une rénovation qui tient compte des questions d’usage comme des questions écologiques.
Ophélie Deyrolle : Il est vrai que les friches sont difficiles à habiter et le seront peut-être encore davantage demain en raison du réchauffement climatique, du coût de l’énergie et de l’évolution des normes environnementales, mais il me semble essentiel de réutiliser l’existant, d’occuper ces espaces construits aujourd’hui inoccupés plutôt que d’artificialiser des sols pour construire de nouveaux bâtiments. C’est un combat écologique de ne pas abandonner ces friches, et l’installation d’un tiers-lieu est une occasion d’expérimenter des formes de rénovations différentes, par exemple, en s’appuyant sur le réemploi de matériaux de construction comme nous l’avons fait avec le WIP. En outre, les friches sont porteuses d’une histoire commune pour les habitants et habitantes et sont donc de puissants moteurs de mobilisation de la population locale. Le problème, c’est que le coût des travaux nécessaires à la transformation d’une friche en tiers-lieux est toujours minimisé et comme je le disais avant, il ne reste jamais de budget pour faire face aux imprévus et aux nouveaux besoins.
Cela dit, si le WIP est indissociable de la friche industrielle pour laquelle il a été pensé, l’impact du projet, lui, dépasse largement son lieu d’attache et même sa propre échelle de temps. Le WIP est un jalon dans une histoire plus vaste. Il va falloir une succession d’expériences comme la nôtre, celles des Grands Voisins, de l’Hôtel Pasteur, etc., pendant 20 ou 30 ans pour que les mentalités changent et reconnaissent les mouvements citoyens et coopératifs comme des partenaires d’égal à égal. L’apport de capital, disons social, au sens du travail porteur d’innovations sociales et d’impacts sociaux, devrait, en effet, avoir un poids équivalent à l’apport de capital financier ou patrimonial.
Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.