Tiers-lieu basé sur le site d’un ancien château à Argentonnay, également Fabrique de Territoire, la Colporteuse a fait muter l’apprentissage informel de chantiers bénévoles et citoyen autour du patrimoine et de la biodiversité vers des parcours de formation formalisés, en partenariat avec douze structures du territoire, à destination de publics éloignés de l’emploi et en direction des métiers du réemploi et du recyclage. Implémentées à la fois comme parcours de formations autonomes et comme modules spécifiques dans les offres de formation existantes de ses partenaires, ces formations contribuent à rapprocher tiers-lieux, acteurs du réemploi, acteurs de la formation et de l’insertion professionnelle et entreprises du territoire, dans la montée en compétence des stagiaires au travers de réalisations au service du territoire. Quatre questions à Nathalie Morin, directrice de La Colporteuse.
Pourriez-vous raconter la genèse du projet et faire un rapide tour d’horizon de ses activités ?
N.M. : La Colporteuse existe depuis 18 ans. C’est une association qui a été créée par un collectif local d’habitants qui avait l’ambition de faire d’un petit château médiéval en ruine un lieu d’accueil pour organiser des rencontres et développer de l’action culturelle sur le territoire. Mais ce château en ruine pouvait difficilement, en l’état, accueillir du public. Nous avons donc lancé un chantier de patrimoine qui est devenu la pierre angulaire du projet : des chantiers bénévoles et des chantiers citoyens où nous accueillions des groupes constitués par des établissements scolaires et des établissements spécialisés en lien avec la Mission locale. Il y a eu de nombreux chantiers patrimoniaux en lien avec le bâti mais également d’autres liés à la biodiversité du site. Toutes ces activités ont constitué le projet associatif de l’association qui est aujourd’hui un centre socioculturel qui a une vocation à la fois d’animer le territoire, de proposer des activités sociales socioculturelles en direction du territoire, avec une programmation culturelle, et des actions en direction des jeunes du territoire à la croisée de l’éducation populaire, du chantier, du patrimoine et de la transition écologique. Le second volet du projet est celui du développement économique avec une mise à disposition, à des particuliers ou des entreprises, d’ateliers, de machines, pour développer des activités entrepreneuriales. Enfin, le troisième volet est celui de la formation professionnelle avec la volonté de faire essaimer les compétences que nous avons développées. Nous avons un organisme de formation qui forme aux métiers de la transition écologique (du bois au métal, en passant par le jardinage, la cuisine ou l’apiculture).
En quoi consiste le projet de formation ? Quelle a été la genèse de celui-ci ?
N.M. : Nous avons construit la première expérience des chantiers citoyens que nous menions avec la Mission locale. Puis nous avons eu un premier financement de la Région au travers du Fonds Régional d’Initiative à la formation pour faire de cette initiative territoriale une véritable étape dans le parcours d’insertion socioprofessionnelle des jeunes par la découverte des métiers. Pour coller aux attendus de la Région, nous sommes devenus organisme de formation certifié Qualiopi mais notre pédagogie repose beaucoup sur le faire. Cette certification nous a permis de formaliser davantage ce que nous faisions. Les chantiers citoyens s’articulent désormais à des actions de remobilisation professionnelle.
En quoi l’appel à projets DEFFINOV a été une opportunité pour développer / structurer le projet de formation ? En quoi la réunion d’un consortium d’acteurs de formation est moteur pour le projet ?
N.M. : DEFFINOV a été pour nous une opportunité de développer des actions de remobilisation autour des métiers de la transition écologique. De le mettre en résonance avec un écosystème local qui travaille autour des questions du réemploi et un besoin identifié de personnel qualifié sur ce domaine et le recylage ou la réutilisation. Sur le territoire, la déchetterie, la matériauthèque, la boutique Emmaüs sont aussi des initiatives qui accueillent des publics éloignés de l’emploi, au carrefour de l’insertion professionnelle et de l’économie circulaire. L’idée est de faciliter le passage à l’action, et d’accompagner des personnes à la maîtrise des machines, l’expertise des matériaux en constituant autour d’une formation un consortium (de 12 structures du territoire) qui mobilise nos savoir-faire, la pédagogique de la Colporteuse, des situations concrètes d’apprentissage et ces métiers que l’on appelle les « recyculteurs ». Recyculteur : des métiers manuels avec une visée d’économie verte au service de la
transition écologique. Cette formation est destinée à permettre à des gens qui n’ont pas de compétences professionnelles dans ces domaines de pouvoir accéder à des emplois qui sont accessibles sur le territoire. Nous avons mis autour de la table à la fois des acteurs de l’économie, de la ressource, de l’économie circulaire, de l’insertion et de la formation professionnelle. DEFFINOV nous a donné les moyens de réunir ces structures et de réfléchir ensemble à une formation, de faire en sorte que cette formation se déroule à la fois à la Colporteuse mais aussi dans les entreprises du territoire, autour d’une compétence nécessaire sur celui-ci et pour laquelle nous manquons de formations. En dialogue avec la Région, nous avons également cherché à intégrer des modules au sein de formations existantes. Comme par exemple un module sur la réparation dans une formation de machinisme agricole, ce que nous avons initié avec la Maison Familiale Rurale Sevreurope, organisme de formation qui nous soutient dans le développement de nos formations ainsi que dans l’essaimage de nos modules au sein de leurs formations préexistantes, avec une méthode à contre-courant de leurs modalités pédagogiques usuelles.
Cette formation est destinée à permettre à des gens qui n’ont pas de compétences professionnelles dans la transition écologique, de pouvoir accéder à des emplois, accessibles sur le territoire, dans ce domaine.
Ce qui change avec DEFFINOV et ce programme ?
N.M. : Ce que nous faisions avant dans nos murs est aujourd’hui déployé sur l’ensemble du territoire, au service des acteurs, des demandeurs d’emploi et des collectivités locales. D’ailleurs, les réalisations de ces formations suivent toutes un fil rouge en collaborant avec une collectivité pour répondre à une commande, par exemple de mobilier urbain, que l’on réalise avec des matériaux de réemploi. Dernièrement par exemple, nous avons construit un abribus utilisé depuis par les collégiens du village de l’Argentonnay. Cela démontre aussi que le réemploi est aussi esthétique, et mobilise un véritable savoir-faire, au service du territoire, qui débouche sur une réalisation concrète avec des projets qui portent un sens collectif. Chez l’ensemble des partenaires du consortium, les formations abordent ainsi un sujet spécifique qui est lié à la recyculture (collecte des déchets, gestion, valorisation, commercialisation …), ce qui permet aux stagiaires de connaître l’ensemble du cercle vertueux du réemploi et d’augmenter leur connaissance du territoire.
Quel est l’impact de ce programme sur la transformation des organismes de formation locaux, et comment contribue-t-il à répondre aux enjeux spécifiques de la formation dans les territoires ?
N.M. : Le principal impact du programme consiste en la mise en relation des acteurs, de sa capacité de fédération de structures qui accompagnent des demandeurs d’emploi, des structures de formation et des entreprises du territoire, au service de l’emploi pour des personnes aujourd’hui sans solution qui peuvent se tourner vers des métiers d’avenir. Avec les impératifs de la transition écologique, et dans les entreprises l’essor de la RSE, ce type de métiers va prendre une place certaine. D’où l’importance de former à ces métiers et de constituer un vivier de personnes qui auront ces compétences. Nous avons avec ce programme à la fois expérimenté des formats de formation et créé et animé un réseau professionnel de recyculteurs autour de valeurs communes et d’un référentiel de compétences partagé. Nous avons ainsi créé une fiche métier qui décrit ce qu’est un recyculteur, ses savoirs, ses savoir-faire, ses qualités essentielles. L’étape d’après c’est de rendre cette formation certifiante pour que les stagiaires aient un diplôme reconnu au registre spécifique qui puisse être valorisé dans les entreprises

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.