Interview

Morgane Mazain (Maison Montreau) nous parle des évolutions du lieu

De l’hôtel à la maison, faire tiers-lieu dans l’insertion professionnelle

13 novembre 2022

« Ce qui est intéressant, c’est comment, en partant de l’insertion et de la transition alimentaire, on teste, on hybride en allant chercher les compétences et en mettant tout le monde autour de la table. »

Ouverte en 2018, la Maison Montreau est un acteur du tourisme durable reconnu en Seine-Saint-Denis. Rencontre avec sa cofondatrice Morgane Mazain.

Rendez-vous dans la partie restaurant de la Maison Montreau, un après-midi d’octobre. « Ici, c’est ma deuxième maison ! » s’exclame une petite dame âgée dynamique assise à la table à côté de la mienne. Habite-t-on la Maison Montreau ? « Non », me répond Morgane Mazain, sa co-fondatrice. « Nous ne proposons pas de logement. » 

Historiquement utilisée en tant que centre de séjour, pour accueillir des colonies de vacances ou des délégations étrangères en visite sur la commune de Montreuil, la Maison Montreau fait tiers-lieu depuis 2018, après la signature d’une convention d’occupation précaire de douze ans entre Baluchon (l’association porteuse) et la Mairie de Montreuil. 

Pour la Mairie, l’objectif était de valoriser un beau bâtiment, situé dans l’un des poumons verts de la ville, et d’en faire un lieu de vie pour les habitants d’un quartier Politique de la Ville qui manquait d’animation. Pour Baluchon et Morgane Mazain, c’était l’opportunité d’allier deux concepts rarement associés : les concepts de tiers-lieu et d’insertion professionnelle.

En à peine quatre ans, la Maison Montreau a déjà connu plusieurs vies : quand elle ouvre, en 2018, c’est d’abord une cantine à travers laquelle l’association Baluchon, devenue entreprise d’insertion, déploie son activité historique de traiteur « ultrafrais et à tendance locavore ». C’est aussi, avec ses dix chambres, un établissement hôtelier. D’où est venue l’idée d’en faire un hôtel ? « Nous avions la nécessité de trouver un modèle robuste pour créer de l’emploi [local en insertion], et l’objectif de créer des parcours sur les métiers du tourisme avec l’opportunité de l’accueil des Jeux Olympiques en Seine-Saint-Denis en 2024. »

Durant les deux premières années, le projet se développe et l’hôtel fait le plein, attirant des voyageurs d’affaires et autres professionnels en visite sur le territoire. Puis arrivent mars 2020 et la crise sanitaire. Que faire quand son principal domaine d’activité – et source de chiffre d’affaires – s’effondre ? Comment soutenir des employés en insertion qui se retrouvent du jour au lendemain en situation de chômage partiel et isolés ? Comment adapter un équipement qui a une capacité d’hébergement aux besoins d’un territoire et d’un contexte changeant ?

En s’interrogeant, en testant, en hybridant. « Notre force en tant que tiers-lieu, c’est notre connaissance du réseau économique, institutionnel, associatif, qui permet l’émergence en un temps record de solutions. » Des solutions qui ne sont pas toujours les bonnes. Après une première expérimentation peu concluante de transformation des chambres en ateliers de confection de masques, la crise sanitaire met en lumière une autre crise : celle des personnes qui, en l’absence de solution d’accueil, se retrouvent à la rue. La Maison Montreau se transforme alors une nouvelle fois, devenant un hébergement d’urgence pour femmes victimes de violence. Les subventions qu’elle perçoit des institutions publiques lui permettent de sortir des employés eux-mêmes vulnérables de l’isolement et de les maintenir en activité… Elles lui permettent aussi de maintenir le lien avec les habitants du quartier.

Aujourd’hui, la Maison Montreau est redevenue hôtel : désormais, elle accueille davantage des familles franciliennes en quête de courts séjours « au vert ». La suite ? Après avoir basculé par deux fois en deux ans de son activité de tourisme et de restauration durable vers de l’hébergement d’urgence, des changements à chaque fois « éprouvants », l’équipe réfléchit aux moyens de véritablement hybrider activité et hébergement. « Pour ne pas faire 100 % l’un ou l’autre, comme jusqu’à présent. [Et parce qu’]on ne peut pas juste être dépendant du secteur touristique.» Plusieurs réflexions et expérimentations sont en cours, parmi lesquelles un programme de résidence pour des femmes artistes, dans le cadre d’un partenariat avec l’association Les Cousines, une réflexion sur la possibilité de mettre une solution de logement ponctuel à la disposition d’aidants de personnes vivant dans les EHPAD proches, un projet de lieu de séminaire et de coliving pour les entrepreneurs sociaux… Soit autant de nouveaux modèles économiques à tester et construire. Pour continuer de s’adapter et répondre aux besoins d’un territoire et à un contexte qui évoluent sans cesse.

Merci à Morgane Mazain pour le temps accordé.

Malheureusement la Maison Montreau est définitivement fermé aujourd’hui. L’interview a été réalisé avant la fermeture.

Cet article est publié en Licence CC By SA afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.