Interview

Julien Gaillot (La Raffinerie) nous parle des outils du commun

Une expérimentation de l’utilisation des communs dans un tiers lieux à travers sa communauté et son territoire

9 juin 2022

La Raffinerie est un tiers-lieu situé à La Réunion où les communs sont l’essence du projet, que ce soit aux niveau des espaces, de la prise de décisions ou de la gestion au quotidien, tout est mis en place pour offrir les outils à une meilleure connaissance et utilisation des communs. Interview de son coordinateur, Julian Gaillot.

Pourriez-vous nous décrire le lieu, sa communauté, ses activités.

La Raffinerie est située sur une ancienne friche industrielle, une usine sucrière qui a arrêté son activité dans les années 80. Ce tiers-lieu est situé dans “les bas” de l’ouest de l’île de La Réunion, et à ouvert ses portes en 2019. Aujourd’hui après 3 ans de mise en place notre communauté est assez plurielle et rassemble aussi bien des citoyens, des associations, des travailleurs indépendants que des voisins. Ses activités sont à l’image de sa communauté et propose des espaces et actions dans les champs de la culture, de l’alimentation, du sport, du low-tech, de l’agriculture ou lié aux nouvelles formes de travail

Qui sont les « raffineurs » et comment on le devient ? 

On appelle les Raffineurs l’ensemble des membres actifs du projet, ils sont généralement travailleurs indépendants. Pour devenir Raffineur, il y a des petites étapes, la première est de s’intéresser au projet et à son éthique générale, ensuite il y a un parcours d’accompagnement réalisé par les Raffineurs eux-même, un guide a été mis en place pour mieux informer les intéressés à la démarche https://guide.lesraffineurs.re/ https://guide.lesraffineurs.re/

La Raffinerie, c’est une “boîte à outils” me disiez-vous ? 

Oui une boîte à outils, dans le sens où l’essence du projet est de mettre des espaces et initiatives en place pour que la communauté puisse se l’approprier. Ces outils peuvent aussi bien être des process de prise de décision, des outils numériques pour la gestion du bénévolat ou l’utilisation d’espaces partagés comme des ateliers, un fablab ou des bureaux. Et pour cela nous avons essayé de faire en sorte que chacun se sente légitime d’être un utilisateur de “ces outils” grâce à des formations, un accueil des nouveaux porteurs de projets et des outils de validation des savoirs être et savoirs faire

Et comment rémunérez vous vos chargés de mission indépendants ? 

Nous fonctionnons sous le régime de la co-rémunération. Ce principe permet une certaine autonomie des chargés de missions quant au choix de ce qu’ils veulent faire, de leur rémunération et de la possibilité d’être force de proposition pour en créer des nouvelles. Le système fonctionne sous la forme de budgets contributifs qui sont mis en place par les différents collectifs et projets, en fonction de financements obtenus ou de revenus d’activité. La difficultés dans cette expérimentation est de “casser” les aprioris sur le métier d’indépendant et de rassurer ceux qui se lance dans l’aventure

Quels sont les modes de gouvernance au sein du lieu ? 

A la base de notre système de gouvernance, il y a la stigmergie, un principe de prise de décision inspiré de la nature, qui propose que chacun puisse prendre des décisions, en ayant consulté le collectif et en laissant des traces de nos actions. Le but est d’apporter de la fluidité au système en évitant de faire trop de réunions et surtout de stimuler la prise de décision en permettant le droit à l’erreur.

Les pratiques de commun de la Raffinerie sont-ils les communs d’une communauté donnée ou d’un territoire plus large ? 

Nos pratiques du commun se construisent à l’intérieur du lieu mais également sur un territoire plus large grâce à d’autres initiatives et d’autres lieux avec qui nous sommes en relation et grâce à la récente création d’une fédération des tiers lieux à La Réunion. Une partie de notre communauté participe également à d’autres projets sur le territoire ce qui permet de partager les pratiques et de grandir ensemble

Quelles difficultés, freins à cela ? Comment l’améliorer ? Comment y pallier ?

Les principaux freins sont d’ordre humain, les vieilles habitudes ont la peau dure, changer notre façon de penser par rapport au système hiérarchique traditionnel est assez difficile pour certain. La pratique du commun n’est pas toujours naturelle et de le travailler dans nos quotidiens est la meilleure façon de se l’approprier. Afin de contourner ces problématiques ils y a des solutions pratiques comme former le public à la prise de décisions individuel ou collective par des formations dédiés ou en élargissant l’implication de la communauté aux différents projets.

Cet article est publié en Licence CC By SA afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.