Arnaud Bonnet, co-fondateur et coordinateur de Bretagne Tiers-Lieux a interviewé Ludovic Brossard, élu en charge de l’alimentation durable à la Ville de Rennes, sur l’engouement citoyen pour les tiers-lieux alimentaires et le rôle qu’ils peuvent jouer dans “la transformation agricole” du territoire au travers des exemples des Cols Verts, de la Basse-Cour ou encore de la ferme de Quincé de 35 Volts.
Comment se caractérise la dynamique autour des tiers-lieux alimentaires à Rennes ?
On ressent une véritable effervescence autour de ces lieux qui revient d’abord aux rennais-es. On le constate par exemple avec un lieu comme la ferme de Quincé, qui a connu une fréquentation de plus de 5000 personnes dès sa 1ère année d’ouverture. Un autre marqueur rennais réside dans la dimension populaire de ces lieux, c’est-à-dire que ce sont les habitants des quartiers qui gèrent ces ressources en commun. J’observe aussi une montée en compétence des tiers lieux alimentaires sur la formation : « de la fourche à la fourchette » pour découvrir les métiers de la transition alimentaire par Les Cols verts, l’espace-test du labo Culinaire pour la Basse-Cour … Ces lieux vont transformer les métiers de producteurs, cuisiniers, commerçants, qui vont venir y puiser de nouvelles inspirations. De plus, beaucoup d’agriculteurs de demain sont des urbains d’aujourd’hui et les tiers-lieux constituent la base arrière pour former aux métiers agricoles et alimentaires dont nous avons besoin.
Dans quelle mesure existe-t-il des complémentarités entre ces lieux ? Et éventuellement, de la matière à coopération ?
Face à un système alimentaire qui est occupé majoritairement par des acteurs privés et qui se développe en l’absence de régulation, les tiers-lieux nourriciers montrent des alternatives viables, qui se traduisent par la multiplication de lieux de sensibilisation, d’apprentissage, de transmission pour remettre de la démocratie au cœur de nos systèmes alimentaires. Il n’y a de commun que ce qui est fait en commun : rendre ces lieux accessibles et populaires n’est possible que si ces lieux se développent dans un environnement dédié. Le rôle de la collectivité est alors important faire coopérer les acteurs du territoire : producteurs, transformateurs, commerçants.
En quoi ces initiatives répondent-elles à des enjeux de politiques publiques ? Quelles sont les modalités d’accompagnement et les enjeux des collectivités pour soutenir ces projets à l’avenir ?
Le développement de tiers-lieux nourriciers, qu’ils soient basés ou non sur des espaces de production agricole se développe avec le soutien de la ville de Rennes à condition de répondre à ce triple objectif : un lieu inclusif au service de la transition écologique et d’un meilleur accès pour tous à une alimentation locale et bio. Les modalités d’accompagnement sont aujourd’hui multiples : la Ville de Rennes accompagne ces projets via la mise à disposition foncière et immobilière, mais également en s’investissant dans la gouvernance (par exemple avec la SCIC de la Basse-Cour). Mais cet accompagnement gagnerait sûrement à être plus lisible et accessible. Les acteurs de l’ESS jouent aujourd’hui un rôle important, via l’incubation de ces projets et l’accompagnement au montage juridique vers des coopératives qui garantissent une gouvernance démocratique de ces lieux, en cohérence avec ce qu’est l’alimentation : un bien commun.
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