Pour soutenir les aidants, proches ou professionnels, le Pôle Culture et Santé en Nouvelle Aquitaine a créé la formation Take Care en partenariat avec La Ressourcerie (Bordeaux) et La Métive (Creuse), deux tiers-lieux ancrés sur leur territoire. Une initiative puissante sur un sujet crucial, qui ouvre un nouveau champ d’action pour les tiers-lieux.
1 Français sur 5 accompagne une personne dépendante Fondation April BVA (2022). Baromètre des aidants 2015-2022 : Avancées et perspectives.. Avec le vieillissement de la population et la volonté de maintien à domicile, cela va encore augmenter. « Les projections annoncent 1 personne sur 4 en 2030 », précise Clara Bourgeois, directrice du Pôle Culture et Santé en Nouvelle Aquitaine. On les appelle les « aidants », qu’ils soient proches aidants (famille, amis) ou professionnels. Leur quotidien est souvent épuisant et intense.
En effet, les proches aidants sont fréquemment isolés, parfois sans relais possible, avec peu d’espace pour souffler. L’émission « Aidants, il est temps de les aider » France 5 (2024). Aidants, il est temps de les aider. https://www.france.tv/france-5/aidants-il-est-temps-de-les-aider/, sur France 5 dévoile ainsi le quotidien d’aidants familiaux et le besoin de les accompagner pour qu’ils puissent garder la tête hors de l’eau. En outre, seul un aidant sur deux se considère comme tel. Faire reconnaître cette fonction reste un enjeu de société majeur.
Mais les aidants professionnels sont également concernés par l’épuisement, tant physique que psychologique. En effet, près de 7 soignants sur 10 en France sont actuellement en situation d’épuisement professionnel Nuance et HIMSS (Healthcare Information and Management Systems Society) (2021).
De la surcharge de travail à l’épuisement professionnel. Ce que pensent les soignants.
https://www.caducee.net/actualite-medicale/15406/burn-out-dans-la-sante-98-des-soignants-reconnaissent-avoir-deja-ressenti-les-symptomes-de-l-epuisement-professionnel.html. Et dans les services d’urgences, les infirmiers ne tiennent pas plus de trois ans en moyenne Uysse Bellier, Le Monde (2019) Le turn-over des infirmiers aux urgences, signe de services en détresse – URL : https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/19/le-turn-over-des-infirmiers-aux-urgences-signe-de-services-en-detresse_5478361_3224.html.
« Il y a un vrai sujet en ce moment sur les aidants », confirme Clara Bourgeois. Il est urgent de prendre soin de ceux qui prennent soin. C’est pourquoi le Pôle Culture et Santé en Nouvelle Aquitaine a monté une formation qui leur est dédiée, Take Care. Complémentaire à ce qui existe déjà, notamment autour du droit et des aides, Take Care est un parcours centré sur les émotions.
Allier art, santé et tiers-lieux pour les aidants
Le Pôle Culture & Santé en Nouvelle-Aquitaine est une coopérative, en statut Scic SCIC : Société coopérative d’intérêt collectif, qui fait le lien entre les milieux de la culture et de la santé pour favoriser la création de projets de coopération. Son credo : l’alliance de l’art et de la santé permet à tous d’aller mieux. « Nous pensons qu’il faut dépasser les rôles fonctionnels de chacun : ne plus regarder le patient comme une pathologie, le soignant comme un technicien, l’artiste comme un divertisseur, mais comme des personnes porteuses de culture, comme des ressources culturelles pour elle-même et pour les autres. Ainsi, nous remettons au centre la relation au sensible qui fonde notre humanité », résume Clara Bourgeois. Le Pôle conçoit et anime des formations, surtout méthodologiques, mais porte également une mission d’expérimentation.
La formation Take Care a été initiée fin 2023, avec deux objectifs : former les aidants proches et professionnels aux compétences émotionnelles mais aussi faire le lien entre les organismes de formations et les tiers-lieux. En effet, ce parcours de formation a été pensé en coopération avec des tiers-lieux, acteurs ancrés sur les territoires, afin d’atteindre les proches aidants, souvent isolés. « Les tiers-lieux sont des espaces de proximité, ils sont plus accessibles pour les aidants que de lointains centres de formation. Mais ce qui nous intéresse dans ce projet, c’est aussi de faire en sorte que les tiers-lieux impliqués deviennent des lieux ressources pour les aidants après la formation », explique la directrice du Pôle Culture et Santé.
C’est déjà le cas de La Ressourcerie, tiers-lieu à Bordeaux dédié au bien-être des aidants, partenaire de Take Care. Mais c’est une nouvelle opportunité pour La Métive, tiers-lieu qui accueille des résidences d’art et de recherche, au Moutier d’Ahun en Creuse. « Le Pôle culture et Santé a été sensible au fait que nous travaillons de façon pluridisciplinaire sur cette question du soin. Notre projet défend l’idée de faire humanité ensemble. Prendre soin est indispensable pour permettre la rencontre », affirme Aurore Claverie, directrice de La Métive, qui a immédiatement pensé à Katia Pétrowick, danseuse et chorégraphe installée en Creuse.
Identifier et apaiser les émotions des aidants
La formation Take Care est donc le fruit d’une coopération entre le Pôle Culture et Santé, les deux tiers-lieux ainsi que quatre artistes locaux, deux danseuses et deux metteurs en scène. Elle comprend une exploration autour du corps et des mots. Le contenu pédagogique vise à travailler à capacité à écouter les émotions sans en avoir peur, les identifier, les mettre en mots et les apaiser. « Nous avons travaillé autour du lâcher prise avec des outils qui explorent la gravité du corps, la sensation du corps plein d’eau, le toucher… » cite Clara Bourgeois. L’idée est d’équiper les stagiaires d’outils pour les aider au quotidien.
« Take Care c’est aussi un plaidoyer pour obtenir davantage de reconnaissance de la part des employeurs des aidants pro et une meilleure connaissance des aidants proches. Il s’agit également de faire identifier les compétences émotionnelles comme des compétences professionnelles, et non simplement comme des activités de loisirs. »
La formation dure 4 jours (une session de 3 jours puis 1 journée deux mois plus tard), pour un groupe de 10 stagiaires maximum. Pour la session d’automne 2024, La Métive, qui travaillait déjà avec l’Ephad voisin de Chambon-sur-Vouaize, a mobilisé son réseau d’aidants professionnels, lancé un appel dans la newsletter et réalisé un important travail de prospection pour proposer la formation aux proches aidants. Les retours sont positifs, à l’instar du témoignage de cette stagiaire : « Je repars avec plein de petites valises, comme à mon habitude quand je fais un beau voyage. De la force, de la voix enfin, des réponses à mes incompréhensions depuis plusieurs années. Le soulagement d’être comprise et de me dire non, tu n’es pas la seule. Je repars avec des plaisirs plein les yeux, de belles rencontres et la rencontre, aussi, avec mon identité. » « Cette formation a apporté des outils, mais a aussi permis aux participants de se délester, et de vivre des moments joyeux ! », constate Aurore Claverie.
Toujours en phase d’expérimentation, Take Care a déjà évolué au cours du temps. « Nous sommes passés à 4 jours et à un cadre plus flexible car la disponibilité des aidants est aussi limitée que variable. Pas évident car le milieu de la formation professionnelle ne facilite pas la flexibilité », constate Clara Bourgeois. L’expérimentation se termine en octobre 2025. Il sera alors temps de déployer la formation sur tout le territoire. Au-delà de son impact direct sur les aidants, le Pôle Culture et Santé porte aussi un message politique. Comme l’affirme sa directrice : « Take Care c’est aussi un plaidoyer pour obtenir davantage de reconnaissance de la part des employeurs des aidants pro et une meilleure connaissance des aidants proches. Il s’agit également de faire identifier les compétences émotionnelles comme des compétences professionnelles, et non simplement comme des activités de loisirs.»

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.