Quelles sont les nouvelles pratiques professionnelles identifiables dans les lieux d’éducation populaire ? Quels sont les apports des formations aux tiers-lieux et espaces communs ? A partir de plusieurs pratiques récentes à Rennes, nous proposons de premiers éléments de réponses à ces questions. Cette réflexion constitue une première brique à une suite d’articles sur les enjeux d’apprentissage, de formation ou encore de référentiels de compétences des tiers-lieux.
L’émergence et la multiplication de nouveaux espaces teintés d’éducation populaire, sous l’appellation « tiers-lieux », posent régulièrement question sur les sujets de professionnalisation et de formation. En effet, comment l’organisation de ces lieux s’ancre-t-elle sur les envies des citoyens, citoyennes et des bénévoles ? Faut-il se professionnaliser, et si oui dans quels buts ?
Par ailleurs, comment s’organisent les relations entre bénévoles et professionnels dans les lieux ? Peut-on considérer que les bénévoles de ces lieux y exercent un travail gratuit (Simonet, 2010) ? Quelles y sont les pratiques professionnelles transmises et les compétences sollicitées ? Peut-on considérer qu’il existe une communauté professionnelle d’animateurs et animatrices de lieux et d’espaces communs ?
Certains « tiers-lieux » fonctionnent sans professionnels dédiés à leurs organisations. Alors, peut-on aborder une réflexion sur les métiers sans l’associer à un processus de professionnalisation ? D’ailleurs, faut-il professionnaliser l’animation d’un lieu, ou est-il possible de garder sur le temps long une animation de lieu avec seulement une dynamique bénévole ?
Ce faisceau de questions permet d’éviter de se porter de suite vers une organisation nécessairement professionnelle, pour s’intéresser à d’autres pistes de professionnalisation ou de structuration éventuelles. Par exemple, lorsque des organisations intermédiaires, facilitatrices de lieu, permettent de soutenir la structuration des associations résidentes. Est-il alors préférable de se concentrer sur la professionnalisation de ces associations participantes, qui existaient parfois avant le lieu, plutôt qu’à la structure qui organise l’espace ?
Les propos et l’argumentation qui suivent sont tirés de nos pratiques, ancrées dans l’éducation populaire. Depuis dix ans, l’association Keur Eskemm et la coopérative Coop’Eskemm travaillent au partage des connaissances sur l’animation de lieux d’éducation populaire, à Rennes (35). Cette réflexion s’est d’abord appuyée sur nos pratiques d’organisation d’un laboratoire artistique et populaire (LAP) au sein d’espaces vacants, en lien avec la société publique d’aménagement, puis des bailleurs sociaux.
Elle se prolonge aujourd’hui au sein du Bâtiment à Modeler, occupation temporaire d’une ancienne maison des jeunes et des cultures (MJC). Nous situons nos expériences sociales dans l’éducation populaire pour leurs caractères émancipatoires et collectifs. Nos organisations s’inscrivent à notre sens dans une forme de renouveau de l’éducation populaire (Porte, 2023). Elles se construisent au côté d’associations ancrées durablement, comme les MJC, les Centres Sociaux, les Amicales Laïques….
Les raisonnements à suivre s’appliquent ainsi probablement davantage à ce champ de l’éducation populaire. Notre pratique est alors singulière au regard d’autres initiatives, du fait de la forte présence de bénévoles dans l’animation des lieux, et l’orientation non lucrative des activités. Nous situons ainsi principalement nos pratiques sociales dans les dynamiques des « tiers-lieux solidaires » ou « tiers-lieux apprenant » par exemple. En revanche, nous ne nous intéresserons donc pas ici aux nombreuses dynamiques de « tiers-lieux » dont la vocation est uniquement de partager des espaces de travail dans une perspective lucrative.
De nouvelles pratiques professionnelles, des métiers singuliers
Des identités professionnelles multiples définies par les secteurs d’activités propres aux activateurs de lieux.
Une première observation concerne le secteur professionnel de l’éducation populaire. Le secteur « jeunesse et éducation populaire (JEP) » est institutionnalisé et identifié comme un champ professionnel (Lebon, 2020, 2021). Les travailleurs et travailleuses partagent avec d’autres salariés une convention collective, la convention ECLAT (Éducation, culture, loisirs et animation au service des territoires).
Des métiers particuliers y sont identifiables. En ce qui nous concerne, ceux de l’animation socioculturelle. Ce champ s’est notamment professionnalisé par les diplômes (Bock, 2022). Inscrire son activité professionnelle dans un secteur en particulier révèle des choix concernant l’identité professionnelle, particulièrement au moment de la création d’activités. Par exemple, en tant que membres de Coop’Eskemm, nous disposons d’expériences de recherches universitaires et construisons des actions d’accompagnement pour des collectifs. Nous pourrions donc décider de définir notre identité professionnelle comme « consultant ».
Nos expériences dans l’animation socioculturelle nous ayant déterminés, nous avons choisi de marquer notre appartenance au secteur de l’animation par l’adhésion à la convention collective ECLAT. Pour préciser nos identités professionnelles intégrant également la recherche, nous nous présentons parfois comme « animateur·ice·s – chercheur·euse·s ». Nous contribuons par ailleurs à l’animation d’un lieu d’éducation populaire. Nous nous nous situons donc d’abord comme des « animateur·ice·s – chercheur·euse·s », dont les missions professionnelles contribuent directement à l’organisation du lieu.
Il serait aussi possible de s’intéresser aux dimensions réglementaires pour identifier les identités professionnelles. Par exemple, une organisation dont l’activité principale exercée (APE) déclarée est « Agences Immobilières » inscrirait son activité de gestionnaire de tiers-lieux dans une perspective singulière, avec des métiers issus de ce secteur. Des architectes salariés d’une association seraient d’abord des architectes, avec un diplôme d’État, et qui exercent leur métier dans le but d’organiser des tiers-lieux. Quand les organisations portant les lieux sont regroupées au sein d’une structure juridique unique avec plusieurs types d’actions, le code APE peut cependant ne pas refléter la pluralité des activités exercées Ceci est mentionné dans ce compte-rendu de réunion consultable sur ce lien, au sujet de la structuration de la branche professionnelle des tiers-lieux. D’autres problèmes similaires y sont mentionnés.. Dans le même sens, l’aspect réglementaire ne permet pas toujours de situer les métiers d’animateurs et animatrices de lieux par rapport à des catégories existantes. En effet, les parcours des professionnels et leurs appétences façonnent les missions exercées, qui sont aussi dépendantes des contextes dans lesquels s’inscrivent les lieux.
La redéfinition des métiers d’animateur et d’animatrice de lieux orientés vers des communautés situées
En nous basant sur notre expérience, nous relevons trois dimensions fortes parmi les missions d’animateurs et d’animatrices de tiers-lieux solidaires.
– La gestion du lieu, dépend surtout des usages du bâtiment ou de l’espace. À ce niveau, l’hybridation des usages et la mixité des publics influent fortement sur l’organisation. Il peut être question de tâches très concrètes, par exemple : le partage des clefs, l’entretien des espaces utilisés par le public comme les couloirs ou les sanitaires, la maintenance technique…
– La facilitation des activités, définie en fonction des personnes et organisations occupantes du lieu et de l’intensité des usages. Les espaces étant modulables, leurs usages ne sont pas prédéfinis et restent ouverts et libres. Des riverains peuvent demander à utiliser un espace pour organiser une activité sans l’avoir prévue en amont. Un fort travail partenarial est à mener pour que les activités du lieu soient articulées aux envies des gens du quartier. Dans les contextes d’urbanisme transitoire, la documentation des usages passés, en cours et futurs est aussi un point fréquent.
– L’organisation du pouvoir et des communautés, plus ou moins collégiale. En étant à la fois gestionnaire du lieu et occupante, ce type d’organisation occupe un rôle d’intermédiaire, et constitue une interface entre le propriétaire et les autres occupants. L’animation politique d’un collège d’animation ou conseil collégial, de plusieurs collectifs de programmations ouvertes et d’occupations est au cœur des missions. Le travail peut aussi consister à accompagner les habitants et habitantes. Cette question organisationnelle inclut également la gestion administrative et financière de la structure.
Si ces missions sont exercées dans le cadre d’activités associatives, elles peuvent être réalisées par des bénévoles. Le travail peut alors être plus ou moins important, en fonction de la taille des espaces et de l’amplitude de la communauté. De plus, si l’on considère le tiers-lieu solidaire comme une initiative citoyenne, il semble important de baser les premières réflexions sur le travail dans la perspective du bénévolat.
Les missions professionnelles créées peuvent alors se faire dans le prolongement des engagements bénévoles, et ces expériences bénévoles peuvent être par ailleurs mises en avant comme aptitudes professionnelles, comme cela est souvent le cas dans le secteur « jeunesse et éducation populaire ».
Comment s’articulent institutionnalisation du mouvement des tiers-lieux et professionnalisation des lieux d’éducation populaire ? Les formations existantes correspondent-elles aux pratiques sociales et aux expériences d’apprentissages dans les lieux ?
Apprendre à se former aux nouvelles pratiques d’animation des lieux d’éducation populaire
Deux cadres de formations aux tiers-lieux adaptés aux métiers d’animation
En 2020, nous nous sommes engagés avec Coop’Eskemm dans la construction de la formation « piloter un tiers-lieu » (PTL) en Bretagne. D’une durée de 120 heures réparties sur 10 mois, ce dispositif conçu par la coopérative des tiers-lieux de Nouvelle-Aquitaine met en avant la compétence de « piloter un tiers-lieu », et prépare à l’exercice de missions à responsabilités. Depuis deux ans, nous échangeons par ailleurs régulièrement avec l’équipe du Diplôme Universitaire Espace Commun (DUESCO). Cette formation de 140 heures à suivre durant une année vise moins à former à une compétence particulière qu’à apprendre à concevoir, gérer et mettre en œuvre des espaces communs.
Ces deux formations continues relatives aux tiers-lieux et aux espaces communs s’appuient sur des sessions en groupes et des mises en situation sur différents terrains. Avec comme objectif le soutien aux évolutions professionnelles des apprenants, elles prennent en compte les trois missions professionnelles évoquées précédemment : gestion du lieu, facilitation des activités, organisation du pouvoir et des communautés.
La formation « PTL » a inscrit trois éléments dans la certification de la compétence : « élaborer un projet stratégique de tiers-lieu », « piloter l’activité de la structure dans ses dimensions économiques et financières », « établir une dynamique de coopération et communiquer de façon adaptée ». Ces trois dimensions pourraient correspondre à des séquences de vie d’un tiers-lieu : la création (1), la gestion (2), le maintien de l’activité (3). D’après notre compréhension de l’orientation de cette formation et du profil des personnes qui s’y inscrivent, celle-ci est surtout mobilisée dans le cadre de création de nouveaux tiers-lieux, ou la réorientation d’un travail existant en « mode tiers-lieux ».
Les compétences visées par le DUESCO sont elles liées aux formats pédagogiques des sessions : soit immersives, par des sessions de formation de trois jours dans un lieu d’étude ; ou focus, avec des sessions de deux jours sur un sujet spécifique (gouvernance, modèles économiques, publics et programmations, normes et réglementations ou aménagement au prisme de la bifurcation).
Au cours des sessions immersives, huit savoirs sont abordés : mixité d’usages et de publics, régie des possibilités locales, expérimentations et indétermination dans la gestion et l’animation, gouvernance collective et ouverte, besoins humains d’un projet, création et déploiement de nouveaux services, objectifs, et évaluation impact d’un projet et évaluation, et enfin dynamiques territoriales. De leur côté, les sessions focus doivent permettre l’acquisition de quatre savoirs : bases théoriques des sujets étudiés (par exemple gouvernance, modèle économique…), mobilisation des savoirs théoriques dans différentes situations de gestion de lieux, analyse d’une variété de modes de fonctionnement de lieux, évaluation.
Deux savoir-faire, communs aux sessions immersives et focus, viennent compléter cette liste : la prise de parole et le partage d’informations en groupe ; et le travail de synthèse, lié par exemple à la comparaison de plusieurs fonctionnements de lieux. Quatre autres compétences visent spécifiquement le financement des projets : types de revenus, types de modèles économiques, mécanismes de partenariats et de recherches de financements, lien entre modèle économique et stratégie globale.
En reliant ces apprentissages avec les trois missions professionnelles mentionnées précédemment, remarquons que les diplômes d’animation pourraient aussi permettre de former des animateurs et animatrices de tiers-lieux. Aussi, devenir des professionnels de l’animation des lieux fait-il plus largement de nous des professionnels de l’animation tout court ?
De par nos expériences, le point fondamental qui semble distinguer le rôle d’animateur de tiers-lieux du travail d’animation socioculturelle est ce rôle d’intermédiaire associé au lieu. En effet, dans le cas de propriétaires publics, l’activité d’intermédiation est à situer dans des politiques publiques. Celles-ci s’appuyant sur les relais de professionnels intermédiaires (Frau et Taiclet, 2021). Concernant Coop’Eskemm, l’activité d’intermédiation pour le lieu est un décalage professionnel, car nos missions professionnelles consistent plutôt à mener des études, des évaluations ou des recherches. Cependant, étant fréquemment située dans un espace interstitiel entre université et société civile, notre coopérative dispose déjà habituellement d’un rôle d’intermédiation (Arnera, Noël et Garcia, 2018) ou de passeuse (Loncle, 2024).
Les tiers-lieux sont également présentés comme des dynamiques nouvelles et pourraient être compris comme des innovations sociales, du fait de leur caractère récent. Sur ce point, nous ne considérons pas nécessairement que l’innovation sociale constitue un élément essentiel dans le travail d’animateur et animatrice de tiers-lieux solidaires. Nos activités peuvent par exemple se rapprocher de celles menées par une Maison des Jeunes et de la Culture, même ancienne.
Cependant, la réflexion sur l’innovation se poursuit possiblement sur l’envie de créer des activateurs de tiers-lieux. Là où un animateur socioculturel serait formé pour rejoindre une association organisant un lieu d’éducation populaire, un animateur de tiers-lieux apprenant dans les formations mentionnées est peut-être davantage formé à créer et à entreprendre pour créer un nouveau lieu. Cette dynamique est à observer et à critiquer car mettre les compétences entrepreneuriales au cœur d’un métier d’animation pourrait s’éloigner des logiques émancipatrices de l’éducation populaire.
La formation PTL et le DUESCO sont des formations continues qui semblent davantage mobilisées par des apprenants et apprenantes disposant déjà d’expériences professionnelles conséquentes et ayant vocation à assurer des missions de directions et de cadres. Les personnes formées peuvent par exemple s’engager dans une démarche entrepreneuriale en créant un nouveau lieu. Le métier d’animateur de tiers-lieux s’inscrirait alors dans un contexte d’engagement-recherche (Benasayag et Rey, 2011), où la création de sa propre initiative occupe une place importante.
Ce point est assez central dans la pertinence de ces formations si l’on se réfère à nos remarques préalables sur l’ancrage des tiers-lieux dans la dynamique entrepreneuriale de création. Des cadres sont par ailleurs formés à la gestion de tiers-lieux par le développement de formations initiales dans le supérieur, et peuvent ensuite prétendre à la création ou à la direction de tiers-lieux.
Le mouvement de professionnalisation marquant, entre autres, les tiers-lieux solidaires, invite cependant à s’intéresser aux autres espaces de formations, accessibles aux personnes plus éloignées de l’emploi. Certains dispositifs peuvent en effet être davantage adaptés à des profils professionnels moins expérimentés et aguerris à l’entrepreneuriat, qui diffèrent ainsi largement de ceux des initiateurs de tiers-lieux.
Les formations des bénévoles, des volontaires et des personnes sans emploi
Dans nos cadres de travail relatifs au champ de la jeunesse et de l’éducation populaire, la formation des bénévoles occupe depuis longtemps une place importante. Ainsi, le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) dispensé par l’État finance chaque année des milliers d’associations, spécifiquement pour la formation des bénévoles. Nos pratiques nous amènent à utiliser ce dispositif pour former les bénévoles sur les questions d’organisation et d’animation du lieu, sur la programmation d’activités ou encore, par exemple, sur la sécurité du lieu.
Un autre cadre de formation existant dans notre secteur concerne les formations civiques et citoyennes (FCC) des volontaires en service civique. Dans nos pratiques, elles ne sont pas particulièrement articulées aux enjeux d’animations des lieux. Ceci pourrait cependant être travaillé et l’est peut-être déjà par certains tiers-lieux solidaires. Les formations des bénévoles et des volontaires peuvent leur permettre de s’intéresser à d’autres rôles que ceux des cadres et initiateurs de tiers-lieux.
Nous initions aussi actuellement un travail avec l’Agence Française pour la Formation des Adultes (AFPA) en direction des personnes sans emploi et peu ou pas diplômées, à partir du cadre du titre professionnel responsable d’espaces de médiations numériques (REMN). Ce cadre pédagogique vise à former à la gestion d’un espace de « type tiers-lieux », mais principalement orienté vers le numérique Le responsable d’espace de médiation numérique gère, anime et développe un espace collaboratif de type tiers-lieu (espace public numérique, fab lab, espace de coworking, etc.)… » Voir ici : https://www.francecompetences.fr/recherche/rncp/34137/, des profils de personnes salariées moins habituées à la création entrepreneuriale ou à la direction de projet. Il est actuellement envisagé de mobiliser ce cadre de formation sans aborder de manière centrale les enjeux numériques.
Trois certifications de compétences professionnelles (CCP) permettent d’obtenir le titre professionnel de « responsable d’espaces de médiations numériques » : accompagner différents publics vers l’autonomie dans les usages des technologies, services et médias numériques (CCP 1) ; contribuer au développement d’un espace de médiation numérique et de ses projets (CCP 2) ; contribuer à la gestion d’un espace de médiation numérique et animer ses projets collaboratifs (CCP 3).
L’obtention d’un CCP permet une qualification partielle sans l’obtention du titre professionnel. Il est cependant possible de se former pour l’acquisition d’un nouveau CCP dans une autre temporalité, une fois un premier CCP acquis. Pour l’instant, nous travaillons par exemple à l’adaptation du CCP 3 aux pratiques des lieux d’éducation populaire avec l’AFPA. Dans ce CCP, il y a trois éléments présentés : gestion administrative quotidienne d’un espace ; gestion et entretien des ressources matérielles ; facilitation en présentiel et à distance d’une communauté de projets. Ces trois dimensions semblent correspondre aux missions nécessaires à l’animation des tiers-lieux solidaires.
Conclusion
Nous considérons finalement que les métiers d’animateurs et animatrices de tiers-lieux dépendent des identités professionnelles construites dans chacun de nos secteurs d’activités, comme rappelées au début de l’article. Pour autant, le métier d’animation dans le tiers-lieu pourrait reposer sur trois missions principalement, peut-être observables dans différents champs professionnels : la gestion du lieu, la facilitation des activités et l’organisation du pouvoir et des communautés.
Ces trois éléments sont pris en compte dans les formations que nous pratiquons. Celles-ci vont aussi se construire au regard de certains métiers et activités spécifiques. Par exemple, comment est-il possible d’apprendre à faire de la cuisine en tiers-lieux ? Comment y organise-t-on des activités de construction ? Comment gère-t-on les aspects techniques ? Comment accompagne-t-on les associations occupantes des tiers-lieux en fonction de leurs espaces et de leurs coopérations ?
Notre perspective est aujourd’hui de penser la reconnaissance des savoirs d’animation pour les personnes les plus éloignées des systèmes de tiers-lieux. La formation des occupants bénévoles des lieux est tout aussi fondamentale. Cependant, il n’est pas impératif de faire rentrer les logiques informelles des lieux dans des systèmes formels de formations. La logique de « tiers-lieux apprenants » permet d’envisager les apprentissages du quotidien qui se déroulent dans les lieux. Ces situations ne sont pas nécessairement à penser dans des perspectives de certifications, de validations de compétences ou d’accompagnement vers l’emploi. L’approche par compétences qui s’est développée aussi bien dans le secondaire (Boutin, 2004) que dans le supérieur (Chauvigné et Coulet, 2010) est en effet critiquée, notamment pour sa focalisation sur les enjeux économiques des savoirs. Réfléchir aux apprentissages dans les lieux indépendamment des logiques de marchés reste un impératif.
Apprendre par la pratique constitue très certainement une base commune que les tiers-lieux solidaires partagent avec les lieux d’éducation populaire. Les nouvelles dynamiques de tiers-lieux solidaires pourraient s’articuler davantage avec les nouvelles pratiques de l’éducation populaire. Nous pouvons poursuivre l’objectif de comprendre comment les enseignements des logiques de tiers-lieux servent les lieux d’éducation populaire en place. Et comment les tiers-lieux solidaires s’inspirent, s’ancrent et poursuivent-ils les principes de l’éducation populaire ?
Remerciements
Merci aux relecteurs et relectrices de cet article pour leurs conseils avisés : Yoann Boishardy, Elsa Buet, Pierre Durosoy, Arnaud Idelon, Maxime Lecoq, Maryam Mahamat et Jean-Paul Deniaud. Les réflexions proposées s’appuient également sur les échanges nourris avec les partenaires du consortium Building Alternative Skills to Implement Creativities and Commons (BASICC).
Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.