Parmi les partenaires mobilisés par les tiers-lieux, 83% sont des acteurs publics. Un travail en complémentarité au service du territoire. Mais comment se construit la coopération avec d’autres tiers-lieux ou d’autres typologies de structures ? Zoom sur la formation Répar’Atout, conçue et mise en œuvre par le 8FabLab et La CyberGrange avec le RFFLabs, et en partenariat avec de nombreux partenaires publics et associatifs locaux, pour ce premier opus de la série “Coopérer avec” destinée à mettre en lumière des partenariats innovants entre tiers-lieux et structures publiques, associatives ou entrepreneuriales des territoires.
« On ne se connaissait absolument pas. Aucune des deux structures ne savait ce que faisait l’autre ». Pourtant, c’est ensemble que Caroline Naillet, directrice du 8FabLab Drôme (26) et Jérôme Tricomi, directeur de La CyberGrange (67), remportent en 2023 un appel à projet de la Fondation Orange sur les métiers d’avenir. Un pari initié par le Réseau Français des Fablabs, RFFLabs, qui proposait alors à sa communauté d’adhérents de se positionner en consortium.
À l’instar des 55% de tiers-lieux en France ayant pour partenaires d’autres tiers-lieux, d’après les données tirées du recensement 2023 de France Tiers-Lieux, le 8FabLab et La CyberGrange se mettent à travailler ensemble. Le dispositif qu’ils conçoivent est une formation pré-qualifiante autour des métiers de la réparation à destination des jeunes de 16 à 25 ans. L’appel à projet remporté, ils organisent chacun en 2024 une première édition de la formation.
Autour de ces deux espaces du faire et du réseau national se tissent un vaste ensemble de partenariats d’où la formation tire sa richesse. Comme environ la moitié des partenariats avec des tiers-lieux observés à l’échelle nationale, le RFFLabs, le 8FabLab et La CyberGrange s’entourent ainsi d’acteurs de l’enseignement, de structures de jeunesse et d’animation locale et de structures de l’insertion dans l’emploi. Un véritable parcours de coopération ancré dans le tissu socio-économique local.
Former pour transformer
Alors que le contexte écologique rend nécessaire l’adoption de modes de consommation plus durables et la lutte contre l’obsolescence programmée, les professionnels capables de s’emparer du sujet de la réparation d’objets manquent. « Il y a peu d’espaces professionnels où faire réparer des objets, note Amélie Tehel, déléguée générale du RFFLabs, et les métiers de la réparation sont surtout préemptés par les grandes enseignes d’électroménager qui ont leur service intégré de réparation. »
C’est pour faire face à cette problématique qu’émerge le projet de formation mis en œuvre par le 8FabLab et La CyberGrange. « Les métiers de la réparation et de la maintenance sont une nécessité pour garantir la transition écologique, affirme Jérôme Tricomi, directeur de La CyberGrange. Que l’on soit à Strasbourg ou dans la Drôme, le constat est similaire. » La manière d’y faire face, pour les deux structures, l’est aussi.
Car les espaces du faire, qui représentent près d’un tiers des tiers-lieux en France, ont pour le directeur de La CyberGrange le même objectif : la transformation sociale et écologique. Cet « accord sur le cadre de valeurs et sur ce qu’on cherche à avoir comme impact garantit une facilité de coopération », souligne-t-il. Une facilité renforcée par le déploiement de pratiques pédagogiques et expérimentales et de méthodologies communes au sein d’une même culture organisationnelle.
Maillon local
L’opérationnalité du projet s’en trouve accélérée, témoigne Caroline Naillet, directrice du 8FabLab. La construction du contenu, la définition des rôles ou la répartition du budget sont « largement fluidifiées » par ce terrain commun.
Une méthodologie « utilisée dans le cadre d’un précédent appel à projet et développée avec le RFFLabs » sert de canevas au travail des partenaires. Le 8FabLab ayant « déjà mis en œuvre et testé auprès d’un public toute une partie technique et de réparation », retrace Jérôme Tricomi, cette partie de la formation lui est laissée. La CyberGrange, qui avait « développé des formations pré-qualifiantes et travaillé sur l’inclusion numérique », prend en charge cette dimension. « On a croisé nos compétences et le travail s’est fait naturellement », poursuit le directeur.
D’autres partenaires vont être mobilisés dans cette même dynamique : des objectifs similaires, des compétences propres, une bonne capacité de mise en action. Et des enjeux qui coïncident sur le territoire, ajoute Caroline Naillet. « Près du 8FabLab, un ensemble scolaire qui va de la maternelle au master a ouvert à ce moment-là une mention complémentaire de bac sur les métiers de la réparation. C’était parfait pour flécher vers une suite de parcours ».
La coopération engagée grâce au dispositif peut aussi se pérenniser au-delà de la temporalité de sa mise en œuvre. C’est le cas entre le 8FabLab et La FRAPP, une association d’éducation populaire locale. « L’association a porté tout le module autour des compétences psychosociales, confirme la directrice. Ça a consolidé des partenariats, avec cette association mais aussi avec la Mission locale et d’autres, à des endroits où on n’était pas forcément attendus. »
La rencontre, premier levier de coopération
Si ces partenariats ont pour but d’enrichir et de diversifier les modules de formation, leur intérêt premier est de se mettre au service des publics. « Le vrai enjeu, c’est de prendre confiance en soi, en sa capacité d’apprendre. Si à la sortie, la formation donne envie d’aller apprendre autre chose, c’est gagné », souligne Caroline Naillet. Une souplesse qui permet de valoriser la diversité des trajectoires et de laisser cours aux échanges.
Dans ces interactions, le fablab agit en médiateur. C’est là une dimension qui, avance Amélie Tehel, caractérise ce type d’espaces : « Être ce maillon manquant entre les publics par exemple – mais aussi entre les secteurs, ou entre l’action publique et le local –, c’est un rôle important qui a été sans doute négligé et a mené à différentes formes de fracture dans notre société. Il faut des espaces intermédiaires comme les fablabs pour reconnecter et recréer du lien. »
Car c’est à cet échelon que naît la culture de la coopération. « Dans nos lieux, les jeunes rencontrent des bénévoles, des entrepreneurs, des artisans, confirme Jérôme Tricomi. Ils viennent faire des impressions 3D, les retraités leurs bacs de jardinage. Ils ne sont pas dans un rapport de domination mais de partage. Sans participer aux mêmes projets, ils bricolent ensemble. Dans les fablabs, c’est la machine qui fait le trait d’union. »

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.