Brève de recherche

Des tiers-lieux dans les villes africaines

Des communs urbains en Afrique s’incarnent par des lieux sociaux, culturels et technologiques.

Chapitre d'ouvrage - Leyronas, S., Liotard, I. (2023) dans Afrique en communs, Agence Française de Développement

Résumé de l’article

Les villes africaines voient émerger des lieux hybrides, incarnés physiquement dans des espaces urbains et gérés en commun par des collectifs qui y projettent un projet social, économique et politique. Ce projet peut être tourné vers le bien-être et l’amélioration du cadre de vie (jardins partagés, terrains de sport, salles communautaires), vers l’accès à l’art et la culture ou vers les sciences, l’innovation et le numérique.

Ces communs sont au carrefour de plusieurs fonctions, combinant des activités à visée écologique et sociale et des activités pédagogiques. Ils questionnent les modalités de fabrique de la ville dans des contextes où les collectivités locales peinent à trouver des solutions, face aux enjeux auxquels sont confrontées les villes et plus largement les territoires urbains

Définition des communs urbains africains

Les communs urbains africains sont par nature plurifonctionnels et combinent des activités alliant :

• Une offre de services (production alimentaire dans des jardins partagés, services d’intermédiation, accès à du matériel ou des équipements, accès à des productions artistiques).

• Des activités pédagogiques ou de dissémination en lien avec l’objectif collectif poursuivi (éducation populaire, organisation d’évènements, cours et ateliers, rencontres).

• Des activités autour des villes durables et de leur résilience (revalorisation des déchets ou énergies renouvelables).

Des communs urbains à dominance sociale et culturelle


Deux grandes familles de communs urbains à dominance sociale et culturelle se dégagent en Afrique subsaharienne : des espaces ouverts et de passage d’une part et des espaces spécifiquement dédiés à l’art et à des artistes d’autre part.

Plusieurs exemples de ces types de tiers-lieux culturels sont donnés dans l’article notamment L’École des communs pour l’art et le multimédia du lieu hybride Kër Thiossane à Dakar qui abrite un fablab (Defko), mais également un jardin artistique et un jardin solidaire.

Le lieu a été créé en 2002 dans le quartier Sicap sur un ancien jardin public non entretenu et devenu une déchetterie. Il est un laboratoire d’expérimentations qui accueille de multiples projets portés par les individus (ateliers, rencontres, expositions). Le jardin solidaire a été créé en 2016 pour répondre aux besoins de formation aux techniques de permaculture et au micro-jardinage urbain de jeunes femmes.

Au Burkina Faso, le jardin de la musique Reemdogo a vu le jour en 2004 dans le quartier Gounghin à Ouagadougou comme jardin partagé où des musiciennes et des musiciens du quartier viennent se produire dans une relation de proximité avec le public. Cet espace est géré par la municipalité, des collectifs de musiciens et des organisateurs et organisatrices de spectacles.

Des Fablabs

Les auteurs ont enquêté dans treize fablabs notamment le BabyLab en Côte d’Ivoire créé en 2014 par Guiako Obin et une dizaine d’amis informaticiens. Il est le premier fablab ivoirien inscrit dans le répertoire du MIT. Le fondateur voulait créer un lieu de sociabilisation et de développement au numérique à destination des habitantes et des habitants du quartier et des enfants, confrontés à l’insécurité, à la pauvreté et à la délinquance.

De formation informatique et après avoir travaillé en tant que développeur, il suit le MOOC de l’école des Mines Telecom sur le numérique et initie le BabyLab à son domicile, dans la commune populaire d’Abobo (« Baby » signifiant « Abidjan »). Son objectif est d’accompagner le potentiel d’innovation technologique du quartier et de proposer des formations adaptées aux besoins du territoire. Par son implication, le BabyLab est non seulement visible en tant que fablab MIT, mais également labellisé sous l’égide de la Fondation Orange en tant que fablab solidaire.

Quels enjeux des tiers-lieux en Afrique ?

Contrairement aux tiers-lieux en Europe ou en Amérique du Nord, les auteurs observent que les communs urbains émergent en Afrique subsaharienne de manière isolée, au mieux sur un mode archipélique. « Ils répondent à des besoins essentiels, aujourd’hui non pourvus ni par les autorités publiques ni par le marché, avec, en toile de fond, une préoccupation de refonder des liens sociaux distendus. Ils sont le support de formes et de modalités originales d’entrepreneuriat en commun (œuvres ou projets collectifs), basées sur le partage des moyens et des ressources et des objectifs de satisfaction des besoins sans recherche de profit. »

Référence de l’article

Leyronas, S., Liotard, I., (2023) « Les communs urbains : recréer du lien social dans les villes africaines », in L’Afrique en communs : Tensions, mutations, perspectivesEdition: Banque Mondiale

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