Appel à communication

Le citoyen, la science et la société : quand la connaissance émerge des citoyens

jusqu'au 23 mai

Un numéro d’Émulations, revue de sciences sociales, à paraître courant 2026 aux Presses universitaires de Louvain, sera consacré au thème « Le citoyen, la science et la société : quand la connaissance émerge des citoyens » sous la direction de Saliha Hadna (CERTOP UMR5044-CNRS, Université de Toulouse) et de Philippe Chavot (LISEC UR2310, Université de Strasbourg). Cet appel à articles pourrait intéresser des tiers-lieux de recherche.

Argumentaire

Cet appel à articles propose d’interroger les (re)configurations du rapport entre science, technique et société selon deux principales entrées. La première entrée se rapporte au développement de l’expertise citoyenne dans divers contextes, les controverses environnementales, sanitaires et sociotechniques, d’une part, et les « sciences participatives », d’autre part. Selon Houllier et Merilhou-Goudard (2016), ces sciences participatives se regroupent en trois grandes familles : les sciences citoyennes, où des citoyens amateurs contribuent à la collecte et à l’analyse de données scientifiques ; les recherches communautaires, qui impliquent une collaboration entre chercheurs et groupes concernés pour diagnostiquer et résoudre des problèmes les affectant ; et les recherches participatives, où chercheurs et groupes de citoyens ou professionnels collaborent pour résoudre des problèmes socioéconomiques ou environnementaux. La deuxième entrée a trait à l’évolution des politiques prônant un renforcement des relations entre science et société et entend explorer les enjeux et les limites des dispositifs qui en découlent, tels que le programme ministériel « Science avec et pour la société » (SAPS) et les mesures issues de la loi de programmation de la recherche de 2020.

La multiplication des scandales environnementaux et sanitaires dans le monde dans les années 1980 et 1990 a donné lieu à une véritable « crise de l’expertise » (Eyal, 2019 ; Joly, 2007). Depuis les mobilisations des malades du SIDA au début des années 1980 aux États-Unis, la catégorie de « patients-experts » a émergé pour investir les espaces discursifs jusque-là réservés aux seuls médecins, détenteurs des savoirs médicaux (Akrich et al., 2002 ; Rabeharisoa et al., 2002). Les controverses environnementales ont quant à elles favorisé l’émergence de savoirs profanes relatifs à la connaissance des territoires, des risques nucléaires et industriels (Delalonde, 2020 ; Topçu, 2006 ; Hadna, 2018 ; Zanetti, 2018). Des appels sont lancés non seulement pour un accès à l’information, mais aussi en faveur de la production de connaissances alternatives susceptibles de combler le manque d’informations ou de lever les incertitudes (Allard-Huver, 2021 ; Lees, 2023). Les répertoires d’action des collectifs et associations se sont démultipliés (Tilly, 1984) et de nombreuses études en Science and Technology Studies (STS) et en sociologie des sciences s’intéressent désormais à l’émergence de l’expertise profane (Åkerman et al., 2020 ; Collins, Evans, 2007 ; Epstein, 2023, par exemple).

Mais le rapport entre science et société a également été reconfiguré par les politiques successives de mise en culture de la science portées par les États en France et en Europe (Bonneuil, 2004 ; Chavot, Masseran, 2010). De nouvelles façons d’engager le dialogue science-société se mettent en place dans les années 2010 avec la création des boutiques des sciences, des Fab Lab et Living Lab, qui assignent des nouveaux rôles aux publics-citoyens. En parallèle, on voit se développer des configurations faisant intervenir des citoyens dans des travaux scientifiques, qu’il s’agisse de sciences citoyennes portés par des associations ou des laboratoires de recherche ou de recherches participatives impliquant des scientifiques, des citoyens, des collectifs ou des professionnels dans la co-construction de projets de recherche (Houllier et al., 2017 ; Lipinski, 2011). Elles permettent par exemple de répondre efficacement aux besoins de la recherche sur la biodiversité (Bœuf et al., 2012 ; Charvolin, 2019 ; Gosselin et al., 2010), de contribuer à la vigilance environnementale en matière de pollution de l’air ou de risques industriels. Ce tournant participatif devient un leitmotiv auprès des agences de financement de la recherche. Et depuis les années 2010 le nombre de projets de recherche impliquant des « non-scientifiques-professionnels » explose, de même que les publications scientifiques qui y sont associées (Houllier, Merilhou-Goudard, 2016). Du côté des sciences sociales, plusieurs travaux rendent compte des différentes formes d’engagements citoyens, questionnent les formes de médiation et les modes de gouvernance de ces initiatives (Charvolin, Heaton, 2022).

Cet appel à contribution privilégie les articles qui interrogent les (re)configurations du rapport entre les citoyens et la science à partir d’une approche qualitative ou quantitative. L’appel est ouvert à toutes les disciplines en science humaines et sociales, et pourra concerner divers domaines comme l’environnement, la santé, les technologies et l’innovation, ou encore le développement urbain, etc.

De façon non exhaustive, les contributions pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants :

Axe 1 – Les processus d’expertisation des citoyens et des collectifs

Il s’agit d’interroger les processus traversés par les collectifs et les citoyens pour investir des sujets techniques et en devenir experts. Certaines controverses donnent lieu à des formes de judiciarisation lorsque les instances de concertation n’ont pas réussi à fournir un cadre discursif aux parties prenantes de la controverse. Le langage juridique devient alors familier pour certains citoyens appartenant ou non à un collectif. Au sein d’autres configurations, l’expertise citoyenne prend une dimension technique à travers la métrologie ou la captologie qui la plupart du temps vise à la co-construction de cartographies dynamiques sur la répartition des pollutions dans le but d’influer sur les politiques publiques (Noyer, 2020). Au sein de cet axe, il s’agira d’interroger la manière dont les instruments et les dispositifs participent d’une forme d’expertisation du mouvement et/ou de démocratisation de la connaissance. Contribuent-ils à de nouvelles formes de citoyennetés ? Quels sont les enjeux inhérents à ces processus d’expertisation et que font-ils à la controverse ?

Axe 2 – Les citoyens, sources de production massive de données ou collaborateurs scientifiques ?

L’une des configurations dans lesquelles s’est rapidement développé le rapport entre la science et le citoyen touche aux sciences participatives. Ces projets concernent souvent des thématiques liées à l’environnement, à la santé environnementale ou encore au développement urbain. Dans la plupart des configurations, les participants interviennent dans la phase de récolte de données que les laboratoires de recherches ne pourraient assurer seuls au vu de la taille des zones géographiques à couvrir et des coûts qu’une telle démarche représenterait en termes de ressources humaines. Les citoyens jouent donc ici un rôle central pour la science dans la mesure où ils contribuent à la collecte de données et/ou à la construction de connaissances scientifiques qui ne seraient autrement accessibles. Comment les protocoles contraignent-ils ou domestiquent-ils les contributions citoyennes afin d’assurer la validité scientifique de la démarche ? Les « recherches participatives » (Renaud, 2020) ouvrent quant à elle sur une approche de co-construction du cadre et de la problématisation de la recherche. Quels sont alors les rôles respectifs joués par les savoirs, questionnements et données d’observation citoyenne et les normes caractérisant la démarche scientifique ? Quelles sont les conditions permettant l’engagement de citoyens, de collectifs ou de professionnels dans de telles démarches de co-construction ?

Axe 3 – Engagement, difficultés et limites des sciences participatives

Peu de travaux ont investi la question des limites des sciences participatives, ce que semble justifier l’avènement d’une ère de la « co-recherche » où se multiplient les appels à projets faisant la promotion de la participation citoyenne à la recherche. Les chercheurs sont également évalués sur leur capacité à vulgariser leurs travaux et à s’intégrer dans des dispositifs de valorisation « grand public » comme le montrent les critères d’évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Le numéro propose donc d’ouvrir un axe plus réflexif autour des limites que peuvent représenter les sciences participatives d’une part en termes de production scientifique et, d’autre part en termes de renforcement des rapports entre science et société. Quels sont les obstacles à une réelle intégration des citoyens dans les projets de recherche ? Y a-t-il des limites scientifiques, épistémologiques, à la participation citoyenne dans la recherche ? Qu’en est-il de l’engagement des chercheurs (toutes disciplines confondues) et des agencements que nécessitent de telles configurations de recherche ? Les auteurs sont ici invités à adopter une posture réflexive sur leur(s) pratique(s) de la recherche participative afin notamment de saisir ce que ce type de configuration engage sur le plan de la posture de recherche.

Modalités de soumission

Les personnes qui souhaitent répondre à cet appel à contributions sont invitées à envoyer un mail aux deux coordinateurs du numéro : Saliha Hadna (saliha.hadna-bremand@univ-tlse3.fr) et Philippe Chavot (philippe.chavot@unistra.fr) au plus tard le vendredi 23 mai 2025, en proposant un résumé de 1000 mots accompagné de 3 à 5 mots-clés, et en précisant l’axe/les axes retenu(s).

Les auteurs pressentis seront contactés le mardi 10 juin 2025.

Les articles (50 000 signes maximum, espaces comprises) rédigés selon les indications présentées sur le site de la revue Émulationsrevue de sciences sociales seront transmis le lundi 15 septembre 2025 au plus tard par mail aux deux coordinateurs du numéro. Ils seront évalués par deux évaluateurs extérieurs (peer review).

Émulations est une revue de sciences sociales qui publie et édite quatre numéros thématiques par an, publiés en version papier par les Presses universitaires de Louvain (Belgique) et mis en ligne en libre accès sur son site internet (https://journals.openedition.org/emulations/).

Calendrier prévisionnel du numéro

23 mai 2025 : date limite d’envoi des propositions d’articles (sous la forme d’un résumé de 1000 mots maximum)

10 juin 2025 : communication des décisions aux auteurs

15 septembre 2025 : date limite d’envoi de la première version des manuscrits (50 000 signes espaces compris, aux normes de mise en page de la revue)

30 novembre 2025 : transmission des évaluations 1 aux auteurs

30 janvier 2026 : date limite d’envoi de la deuxième version des manuscrits par les auteurs

15 mars 2026 : transmission des deuxièmes évaluations aux auteurs

15 avril 2026 : réception de la troisième version des manuscrits par les auteurs

Été-Automne 2026 : publication du numéro papier et mise en ligne

Lien vers l’appel à articles