Résumé
En 2018 débute l’incroyable aventure collective des Cinq Toits, soit l’occupation d’une caserne au cœur du XVIe arrondissement de Paris au service de l’inclusion, de la rencontre et de l’accompagnement de personnes exilées ou marginalisées. Après cinq ans d’expérimentation, l’horizon de sa fermeture offre aux porteurs de projet l’opportunité de prendre du recul sur ce qui constitue l’une de leurs plus belles expériences en termes d’hospitalité et de vivre ensemble. Fondé sur un travail de recherche externe visant à évaluer l’utilité sociale des Cinq Toits, ce rapport synthétise les grands enseignements du projet et développe de nouveaux indicateurs afin de soutenir l’analyse de futurs du projet de tiers-lieux solidaires. L’intention initiale de créer un espace d’émancipation et d’accueil au service d’un public exilé a-t-elle tenu ses promesses ?
Le projet des Cinq Toits
Dans le cadre d’une occupation temporaire initiée en 2018, la caserne Chalvidan (ancienne brigade de gendarmerie), propriété de la Ville de Paris, est investie durant toute la durée de l’étude de reconversion afin de porter un projet d’innovation sociale au cœur du XVIe arrondissement de Paris. Ce nouvel exemple de l’urbanisme transitoire au service du social est porté par l’association Aurore, en partenariat avec la coopérative Plateau Urbain et avec le soutien de l’Association Yes We Camp. Le projet se donne pour vocation d’accueillir et héberger des personnes en situation de précarité ou d’exil et de proposer des locaux à des porteurs de projets parisiens (artisans, artistes, entrepreneurs sociaux et acteurs associatifs), constituant un tissu économique, social et culturel au service de l’inclusion. Ouverts sur la ville, un restaurant solidaire, un jardin ombragé, des terrasses, un pôle vélo, des ateliers partagés ainsi qu’une programmation familiale et engagée accueillent les riverains.
Le projet en quelques chiffres :
- 4 500 m2 de surface
- 3 centres d’hébergement soit 350 personnes résidant sur site (Centre Provisoire d’Hébergement, Centre d’Hébergement d’Urgence, Hébergement d’Urgence pour les Demandeurs d’Asile)
- 795 personnes hébergées sur le temps d’occupation
- 138 personnes accompagnées par le Dispositif Premières Heures
- 38 structures partenaires : ateliers, bureaux d’artisan·es, artistes, associations, jeunes entreprises, soit environ 80 personnes
- 68 personnes travaillent sur site en 2022 (hors structures partenaires)
- 55 mois d’ouverture
- 5 000+ heures de permanence pour toutes les activités destinées aux résidents
- 1 400 heures de cours de français bénévoles
- 10 150 € de tickets suspendus à la Table du RECHO pour les résident·e·s
- 147 bénévoles sur l’ensemble du projet
- 700 évènements internes ou externes sur le site
- 7 000 visiteurs venus aux Cinq Toits lors d’évènements
- 3 interfaces d’ouverture au grand public : les ateliers partagés La Bricole, le restaurant la Table du RECHO, et l’atelier partagé le Pôle Vélo
- 17 200 repas servis à la Table du RECHO
- 6,4 tonnes de biodéchets transformés dans les composteurs grâce aux riverains, au RECHO et aux résidents
- 39 variétés de plantes présentes sur le site
- 1,1 km de planches utilisées pour la construction de la Bricole
La Grille d’indicateurs utilisée
Une expérience d’inclusion sociale et d’insertion professionnelle
1. Un lieu propice aux rencontres
1.1. Des espaces qui encouragent la mixité des publics
L’évaluation d’utilité sociale du lieu a permis de mettre en lumière quatre catégories d’espaces sur le site :
- des espaces tous publics avec usages variés : Parmi les différents équipements du site, les tables de baby foot occupent une place singulière et sont devenues au fil du temps de véritables symboles des Cinq Toits. Hauts lieux de rencontre au centre de la cour, elles constituent à elles seules un tiers-lieu dans le tiers-lieu.
- des espaces publics aux usages spécifiques,
- des espaces dédiés aux acteurs et actrices du site avec des usages divers
- et des espaces réservés aux personnes hébergées aux usages spécifiques.
1.2 Le bien-être au centre des préoccupations
- grâce aux nombreux espaces communs
- la présence des agents de médiation
- la présence d’animaux (poules et lapins, ruches) et d’espaces verts qui ont permis à certains résidents de prendre des responsabilités et de se (re)connecter avec le vivant
- l’accès à des produits de première nécessité (épicerie solidaire)
- l’enjeu de la propreté du lieu
1.3. Décloisonner l’accompagnement social pour en renouveler les pratiques
- travailleurs sociaux
- agents de médiation et équipe mixité
- résidents engagés bénévolement
- espaces intermédiaires et temps conviviaux réguliers
- présence d’une multiplicité d’acteurs
- lien avec les structures partenaires
- pôles d’activités ouverts au public
2. Des enjeux de compréhension mutuelle entre tous les acteurs
2.1. Les acteurs du site ont une attitude respectueuse qui tient compte du parcours des personnes hébergées
2.2. Un espace de partage culturel
- réciprocité
- diversité des langues parlées sur le site
- les relations entre communautés grâce à la création d’une mixité interethnique
2.3. Des efforts à poursuivre dans la compréhension du travail social par les structures partenaires et les bénévoles
3. L’inclusion au coeur du projet
3.1. Combattre l’exclusion et les discriminations
L’équipe mixité, les équipes sociales, la médiation et les équipes techniques ont mis un point d’honneur à conscientiser et à prévenir les dynamiques de pouvoir dans leurs relations avec les personnes hébergées.
3.2. Bien qu’en forte minorité, les femmes et les enfants hébergés ont pu trouver leur place (10% et 20% seulement des personnes hébergées)
4. Les synergies des Cinq Toits comme outils d’insertion professionnelle
4.1. Un accès à l’emploi difficile pour les personnes hébergées
La variété et parfois la complexité des statuts juridiques des habitants du lieu expliquent leurs écarts d’accès à l’emploi (notamment certains au statut de protection internationale (réfugié ou protection subsidiaire).
4.2. La participation aux activités proposées par le site a permis aux personnes hébergées de développer des connaissances et des compétences
Un projet ouvert sur la ville
5. Un tiers-lieu solidaire au coeur du XVIe arrondissement
5.1. Tisser le lien au fil du temps avec les riverains d’un quartier peu accoutumé à la mixité sociale
De nombreux partenariats fructueux son nés des échanges : collaboration avec le centre d’animation, les écoles, la maison des associations, rencontre avec les paroisses, les concierges et syndics de copropriétés, etc.
- Ouverture du lieu sur le quartier
- Interfaces d’ouverture au public
5.2. Les enfants, acteurs clefs du projet
- Scolarisation des enfants dans le quartier et l’implantation des familles du CHU dans le tissu local ont permis de créer des espaces d’interaction avec l’arrondissement
- Présence d’une mixité générationnelle entre acteurs du site
6. Sensibiliser aux enjeux de lutte contre la précarité dans un quartier privilégié
6.1. Expliquer les enjeux liés aux migrations et à la précarité
- La relation aux riverains et aux visiteurs a fait l’objet d’une attention constante tout au long du projet
- La programmation évènementielle permet également de favoriser la rencontre et l’échange sur ces sujets
- Sur l’ensemble du projet, plus de 180 articles ou vidéos portant sur Les Cinq Toits ont été publiés dans les médias. Le récit journalistique ayant considérablement évolué au fil des grandes étapes de la construction du lieu.
- Changement de position de la Mairie d’arrondissement constitue un véritable symbole de son acceptation au niveau local : Si la Mairie du XVIe s’était ouvertement opposée à la création des centres d’hébergement, l’élection de Francis Szpiner en 2020 a marqué un tournant dans la relation au projet. Après plusieurs visites sur site, le Maire a d’abord accordé un soutien financier à l’organisation d’une représentation d’opéra dans la cour de la caserne, puis a nommé l’association Aurore au Conseil de quartier Auteuil-Sud, reconnaissant ainsi son engagement en faveur de l’animation du territoire. En 2022, il a renouvelé son soutien à l’association en prononçant un discours à l’occasion de la célébration des quatre ans du projet.
6.2. Intégrer les enjeux écologiques à la gestion du lieu, un objectif au long cours
- sourcing des produits
- deux composteurs
- mobilité douce
- matériaux de réemploi
- sensibilisation des résidents
7. Un laboratoire de la ville de demain
7.1. Une rampe de lancement pour les acteurs émergents de l’économie sociale et solidaire
- valoriser les acteurs locaux
- synergies créées dans leur quotidien
7.2. Un lieu transitoire et hybride, observatoire de l’expérimentation
- adopter une posture réflexive
- vitalité du site a permis de voir émerger de nombreux projets et dispositifs créatifs comme le Pôle Vélo, Table du RECHO et multiples projets d’artisanat portés par la Bricole
- des espaces de réflexion sur fonctionnements et usages du site
- volonté de faire trace et construire une mémoire collective
- modèle économique du site
- composition et renouvellement ed l’équipe mixité
- multiples prolongatoins
- volonté de clore l’aventure en beauté
7.3. Les Cinq Toits, une source d’inspiration en tant que tiers-lieu solidaire
- trois visites par mois à des étudiants, salariés d’Aurore, partenaires institutionnels etc.
- neuf mémoires d’études sur le lieu
7.4. Un projet urbain pérenne qui tire les enseignements de l’expérience
Les Cinq Toits ont par ailleurs rempli une mission de préfiguration du projet pérenne mission de préfiguration du projet pérenne. Si Paris Habitat avait initialement prévu l’intégration d’une crèche et d’un Centre d’Hébergement et de Stabilisation (CHS) de 51 chambres, le projet s’est inspiré de l’expérience des Cinq Toits et accueillera aussi des logements sociaux, une pension de famille, et des espaces extérieurs mixtes pour créer des interfaces entre les habitants et famille, et des espaces extérieurs mixtes pour créer des interfaces entre les habitants et le quartier.
Retrouvez le rapport d’évaluation des Cinq Toits ici