Résumé de l’appel
En explorant l’écosystème des tiers lieux solidaires, le colloque pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales, organisé à Sciences Po Rennes du jeudi 21 au vendredi 22 mars 2023, cherche à questionner ces nouveaux modèles d’action sociale. Espaces de coopération, de faire ensemble et de solidarité active, les tiers lieux solidaires expérimentent de nouvelles manières d’agir en faveur des plus précaires. Pour autant, ces espaces sont aussi traversés par de nombreuses frictions, fragilités et controverses que la recherche académique sur le sujet doit également éclairer. Ce colloque souhaite ainsi mettre en exergue ces tensions entre processus d’empowerment et conflictualités.
L’appel à communication
Le développement exponentiel des tiers lieux en France ces dernières années témoigne d’un engouement particulier pour de nouvelles formes d’action citoyenne (Burret 2015 ; Idelon 2022). Le tiers lieu apparaît comme un modèle vertueux, idéal et presque magique de revitalisation des territoires. L’intérêt de l’État et des collectivités territoriales pour cette dynamique est indéniable (Pommie et al. 2022), les pouvoirs publics saluant l’engagement de ces lieux en faveur de l’inclusion sociale, de l’innovation socioéconomique et de nouveaux modes de coopération horizontale. Les tiers lieux prennent des formes variées. Au sein de cet écosystème particulièrement diversifié, ce colloque se concentrera sur ce que nous qualifions de tiers lieux solidaires. Si la solidarité et l’ouverture inconditionnelle à tous les publics sont des valeurs fondatrices de ces espaces, nous nous intéressons plus spécifiquement à des tiers lieux mettant en œuvre des dispositifs spécifiques à destination de publics en situation de vulnérabilité dans leur parcours de vie (accueil de jour, insertion par l’activité économique, hébergement d’urgence, accompagnement social…). Parfois situés à l’intersection entre solidarité autogérée et secteur social conventionnel, ces lieux expérimentent de nouvelles manières de faire face à de multiples enjeux sociaux contemporains (isolement social dans les zones rurales, crises migratoires, augmentation de la pauvreté, etc.). En mettant en œuvre des conditions de mise en capacitation des personnes vulnérables, ces lieux peuvent apparaître comme des espaces d’empowerment (Bacqué et Biewener 2015 ; Bevort 2003 ; Parazelli et Bourbonnais, 2017). Mais ces tiers lieux illustrent également les tensions des politiques sociales contemporaines tiraillées entre des solidarités de droits contestées et des solidarités d’engagement souvent fragiles (Arrignon 2022 ; Aguilera et Rouzeau 2020). Ces tiers lieux solidaires rencontrent aussi des fragilités structurelles notables qui peuvent précariser non seulement les services rendus aux personnes démunies mais aussi la qualité de vie au travail des professionnel.les qui y exercent. Si l’instabilité et la contrainte peuvent être de fructueuses impulsions en matière de créativité et d’expérimentation, comment les personnes vulnérables mais aussi les professionnels.les engagés.es dans ces lieux réagissent-ils à ce contexte d’incertitude ? Comment le pouvoir d’agir, au-delà des discours et des intentions vertueuses, s’incarne-t-il au quotidien et avec quelles limites ? Ces tiers lieux solidaires sontils les laboratoires de l’action sociale de demain ou annoncent-ils, au contraire, le déclin de l’Etat providence à la française ?
Trois axes de recherche sont proposés :
Axe 1 : Tiers lieux solidaires et politiques de solidarité
Que font les politiques publiques aux tiers lieux… et vice-versa ? Les tiers lieux solidaires sont des espaces multi-acteurs et hybrides dans leurs modes de fonctionnement. Si ces lieux peuvent être plébiscités pour leur capacité à redynamiser des territoires, ils peuvent aussi se heurter à l’organisation très sectorielle de l’action publique. Comment cette action atypique s’articule-t-elle avec les politiques sociales ? Comment s’organise le dialogue entre solidarité d’engagement, démarches autogestionnaires, organisations professionnelles de solidarité, acteurs politiques… ? Les dynamiques expérimentales des tiers lieux solidaires sont-elles en mesure d’influer sur la définition de nouvelles politiques publiques, ou ces tiers lieux sont-ils les remèdes palliatifs à des désengagements politiques en matière d’action sociale ?
Axe 2 : Tiers lieux solidaires et pouvoir d’agir
Qu’est-ce qui, dans les tiers lieux, favorise le pouvoir d’agir des personnes vulnérables ? Quels modes de faire ensemble (ou de non-faire) permettent de développer les capabilités (Nussbaum, 2012) des individus ? Cet axe interroge la manière dont les tiers lieux solidaires peuvent ou non se révéler être des espaces d’empowerment (Le Bossé, 2008 ; Bacqué et Biewener, 2015). Les communications de cet axe pourront s’intéresser, sans s’y restreindre, aux effets sociaux de ces lieux sur les populations et les territoires, aux conditions d’exercice professionnel en tiers lieux solidaires, aux questions de soin et de travail du care, etc.
Axe 3 : Utopies et conflictualités
Espaces d’utopie, de production de sens et de communs, les tiers lieux ne sont pas pour autant de longs fleuves tranquilles. Ils sont traversés par des points de friction, des controverses, des instabilités. Cet axe souhaite aborder la conflictualité en tiers lieu, qu’il s’agisse du difficile exercice de la gouvernance partagée, des relations avec le “voisinage” (territoire, habitants.es, collectivités), ou encore des relations interpersonnelles entre occupants.es. Cet axe pourra aussi se saisir des situations de controverse qui agitent le monde des tiers lieux (gentrification des quartiers, institutionnalisation, etc.).
LIen vers l’appel à communicationCalendrier
Date limite de soumission des résumés : lundi 20 novembre 2023.
Date de notification d’acceptation ou de refus des propositions : lundi 4 décembre 2023.
Dates du colloque : 3 et 4 avril 2024 (Sciences Po Rennes).
Colloque en présentiel uniquement.
Ce colloque donnera lieu à une publication d’ouvrage.
Modalités de soumission
Les propositions de communication de 300 à 500 mots maximum et accompagnées d’une bibliographie indicative seront à transmettre par mail à chaire.tmap@sciencespo-rennes.fr avant le 20 novembre 2023. Ce colloque vise un dialogue pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales (sciences politiques, sociologie, science de l’information et de la communication etc.). Les communications peuvent être en français ou en anglais.
Comité d’organisation
Romain Pasquier, Directeur de recherche CNRS – Arènes (UMR6051), titulaire de la Chaire TMAP, Sciences Po Rennes Armelle de Guibert, Professeure associée à Sciences Po Rennes, Chaire TMAP Amélie Tehel, post doctorante à la Chaire TMAP, Sciences Po Rennes – Arènes (UMR6051) Gaël Hily, chargé de développement de la Chaire TMAP, Sciences Po Rennes
Bibliographie
Arrignon, M, (2022), Les politiques sociales sous Macron, Grenoble, PUG. Aguilera T., Rouzeau M., (2020), dir., Le gouvernement des solidarités, Paris, Berger Levrault.
Bacqué, M.-H., et Biewener, C. (2015) L’empowerment, une pratique émancipatrice ? Paris, La Découverte.
Berrebi-Hoffmann, I., Bureau, M.-C., & Lallement, M. (2018). Makers : Enquête sur les laboratoires du changement social. Éditions du Seuil.
Bevort A. (2003), « A propos des théories du capital social : du lien social à l’institution politique », Sociologie du travail, 45/3, p. 407-419
Burret A. (2015), Tiers lieux : et plus si affinités, Limoges, FYP éditions, Galvão, I., Hoover, E. M., & Machemie, P. (2022). Cultiver le pouvoir d’agir dans l’urgence sociale : Les potentiels de la cohabitation dans un tiers-lieu temporaire: Le sujet dans la cité, Actuels n° 14(2), 91-104.
Idelon A (2022), « Institutionnalisation, instrumentalisation, modélisation…Le tiers lieu berceau des communs ou couteau suisse des communes ?, Nectart, n°14, p. 96-109.
Klinenberg E. (2018), Palace for the people : How social Infrastructure Can Help Fight Inequality, Polarization, and the Decline of Civic Life, New York, Crown.
Le Bossé, Y. (2008). L’empowerment : De quel pouvoir s’agit-il ? Changer le monde (le petit et le grand) au quotidien. Nouvelles pratiques sociales, 21(1), 137-149.
Locret M. et Rouay-Lambert S. (2022), « Les tiers-lieux, nouveaux espaces publics ou entre soi déguisés ? », Communication pour 58e colloque de l’ASRDLF, Sciences Po Rennes, 30 juin-1er juillet Nussbaum, M. C. (2012). Capabilités : Comment créer les conditions d’un monde plus juste ? Paris, Climats.
Oldenburg, R. (1999)., The Great Good Place: Cafes, Coffee Shops, Community Centers, Beauty Parlors, General Stores, Bars, Hangouts, and How They Get You Through the Day, New York, Paragon House.
Oldenburg R. (2001)., Celebrating the Third Place, Cambridge (MA), Da Capo Press. Parazelli, M., & Bourbonnais, M. (2017). L’empowerment en travail social : Perspectives, enseignements et limites. Sciences & Actions Sociales, N° 6(1), 23-52.
Pasquier, R., de Guibert, A. & Tehel, A. (2023). Les tiers lieux solidaires, une révolution silencieuse de l’action sociale territoriale ? Pouvoirs Locaux, n°123, 21-25.
Pommie M, Gérard A., Reboa G., Charifa D. et Laget M., (2022), « La puissance publique peut-elle se passer des tiers-lieux, et réciproquement ?, Communication pour 58e colloque de l’ASRDLF, Sciences Po Rennes, 30 juin-1er juillet.
Soulet, M.-H. (2005). La vulnérabilité comme catégorie de l’action publique. Pensée plurielle, 10(2), 49-59.