Fiche de lecture

(S)Lowtech, Bricolage Convivial, Plateforme C, trois publications du collectif PiNG

Trilogie de l’aventure sociale et technologique, de l’évolution et des collaborations d’un des premiers FABLAB Français.

26 septembre 2022

PiNG est une association créée à Nantes en 2004 et cherchant à renforcer le recul critique sur le monde numérique et favoriser, par l’expérimentation, le prototypage et le DIY, la réappropriation des outils numériques par la société civile. Espace ressource pour sa communauté, l’association PiNG édite également des récits d’initiatives, notamment au travers de la collection “Ateliers Ouverts” ouvrant les coulisses de démarches expérimentales menées par l’association. Cette fiche de lecture est réalisée sur les trois premières publications de PiNG au sein de la collection “Ateliers Ouverts” – soit “(S)Lowtech”, “Bricolage Convivial” et “Plateforme C” – et pensée par Rafaëla Ballerini, coordinatrice du Groupe de Travail “Ecologie” du RFFLabs.

Sous la plume de Charlotte Rautureau et Thomas Bernardi, chargés de projet chez PING, Julien Bellanger chargé des ressources pédagogiques dédiées à la création numérique et illustrés par Yanaita Araguas, les trois publications ont pour axes la lutte contre l’obsolescence programmée ainsi que l’autonomie et la réappropriation des outils numériques. “(S)Lowtech”, “Bricolage Convivial” et “Plateforme C”, ont ceci en commun, en s’appuyant sur les projets réalisés, de rendre visible aux professionnels et citoyens la manière dont ces noyaux d’évolution peuvent être des lieux de bascules dès lors que l’on mutualise savoirs, informations et conscience citoyenne. 

PiNG, en quelques jalons 

En 2007, avec les OPENateliers et en collaboration avec l’association d’art sonore APO33, PiNG a mis en place des systèmes itinérants de partage et d’échange de pratiques, de test de logiciels libres et d’ateliers, avant de s’implanter au pôle associatif du 38Breil en 2008. On est marqué par l’intensité de l’émulsion, de sujets sociaux, culturels, artistiques, technologiques et numériques de cette communauté qui résonnait alors singulièrement et parmi les premières en France avec l’émergence aux États-Unis du mouvement fablabs. Entre 2011 et 2013 Ping organise de grands rassemblements nationaux et européens : “LABtoLAB” (45 structures de 15 pays différents mutualisant des réflexions sur la pédagogie, le développement professionnel et l’éducation), Summerlab, REMAKE ou la “Journée des LABS”. Ces échanges ont participé à faire émerger les cadres communs qui permettent aux tiers-lieux actuels d’être des lieux de réappropriation des techniques numériques. 

Plateforme C 

L’ouvrage “Plateforme C. Fablab citoyen & pédagoque” revient sur six années d’expérimentation (2013-2019) de ce fablab ouvert tant sur la société civile que sur le monde de l’enseignement, “atelier augmenté et espace de test, d’expérimentation, de questionnements autour des pratiques numériques, des rapports entre technique et société, de la culture libre, de l’innovation pédagogique”. Dans le récit qu’ils font de cette aventure, les auteurs mettent en perspective le quotidien du lieu avec leurs inspirations théoriques, au nombre desquelles Ivan Illich ou André Gorz pour leurs réflexions sur l’éloignement de la production à la consommation, Richard Stallman et Eben Moglen (créateurs de de la licence libre GNU/GPL, une des pierres fondatrice des valeurs des Espaces du Faire), François Partant ou encore Richard Sennett (pour qui “Faire, c’est penser »). Aux racines de Plateforme C : accroître l’autonomie, initier la réappropriation du temps et du corps, de la confiance en soi par la fabrication. Le récit du quotidien de leurs projets, qui passe par l’accès à la réparation, l’enseignement par la construction, et les jardins partagés, pointe comment l’autonomie peut rendre aux personnes en difficultés une forme de dignité. 

Bricolage convivial

Le second opus de la collection “Ateliers Ouverts” revient sur l’expérience de l’Atelier Partagé du Breil, atelier de bricolage convivial en activité depuis 2008 dans ce quartier populaire nantais (6000 habitants), et les enseignements des premières années d’expérimentation au regard des courants intellectuels ayant inspiré cette initiative. Au cœur de cet ouvrage : la lutte contre l’obsolescence programmée. Pour court-circuiter l’usage de sur-consommation et de déprise de l’usager sur l’objet, l’Atelier Partagé du Breil met au coeur de son expérimentation la réparation et la réappropriation de l’objet (téléphone, ordinateur, plaque électrique, radiateur…). Chaque chapitre souligne combien la sensibilisation et la responsabilisation sont précieuses et efficaces pour “Faire société” de manière raisonnée, équilibrée et saine et font écho aux recherches présentées au sein de l’ouvrage “Fablabs, etc. Les nouveaux lieux de fabrication numérique” de Camille Bosqué, Ophelia Noor, et Laurent Ricard. “

(S)Lowtech

En écho à l’Atelier Partagé du Breil, PiNG met en perspective les chantiers du lieu avec la vision de l’association autour des ateliers de réparation citoyens et de la lutte contre l’obsolescence des objets électroniques et informatiques avec le récit du projet “(S)Lowtech” qui a vu le jour à l’occasion de Nantes Capitale Verte en 2013. On est convié à la suite des auteurs à réfléchir à la systématisation de l’obsolescence des objets et à en décrypter les rouages pour mieux déjouer ce mécanisme de “diminution de la valeur d’usage d’un bien de production due non à l’usure matérielle mais au progrès technique ou à l’apparition de produits nouveaux”. L’obsolescence programmée comme système éloignant le citoyen de l’autonomie sur son quotidien, soumis aux pressions économiques et en adaptation constante aux avancées technologiques (et non l’inverse) est au coeur de l’ouvrage, force motrice d’un paradigme sociétal plus large où l’obsolescence vient déborder sur les êtres eux-mêmes, et notamment les jeunes consommateurs lancés dans cette course effrénée aux innovations technologiques, sous peine de se sentir eux-mêmes, comme l’écrit Serge Latouche, “bons pour la casse”. 

Avec ces trois livrets, récits d’expériences en écho sur le territoire nantais, PiNG fait école en essaimant des expérimentations comme autant d’alternatives possibles aux systèmes dominants de production et de consommation du numérique et en favorisant un point de vue critique et un (ré)apprentissage, par le Faire, des conditions d’autonomie sur nos outils numériques et quotidiens. Cette documentation tissée de récits et témoignages démontre qu’il est possible de faire autrement, depuis des tiers-lieux, des ateliers partagés ou des fablabs, ces “mélanges d’atelier communal et de repères de Makers”, au carrefour de l’innovation technologique et de l’éducation populaire, autant d’espace-temps citoyens, plaçant au coeur du procéssus l’expérience et le faire, la réflexivité critique par le collectif, la sensibilisation et l’apprentissage. 

Cet article est publié en Licence CC By SA afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.