Interview

Tiffany Fukuma (TransEuropeHalles) nous parle des friches culturelles en Europe

Une interview qui interroge les dynamiques et les impacts d’un réseau qui fait aujourd’hui école.

24 janvier 2023

A l’heure où se structurent en France de nombreux réseaux locaux, régionaux et nationaux des tiers-lieux, nous nous sommes intéressés à un réseau qui fédère depuis maintenant 40 ans des friches culturelles à l’échelle européenne.

Comment est né TEH ? Quelles raisons ont mené à la construction de ce réseau ?

C’est parti d’une rencontre entre trois créateurs de centres culturels alternatifs. Chacun se battait dans son pays pour faire exister leurs lieux interstitiels et se heurtait à une non-reconnaissance des politiques publiques. En 1983, ils décident d’impulser ensemble un réseau. Aujourd’hui TEH compte plus de 150 membres dans 40 pays, principalement européens. Parmi eux, des centres culturels, surtout des friches post-industrielles, mais aussi des jardins, des espaces publics, des universités, des ONG, des studios d’archi… TEH s’est structuré et aujourd’hui une équipe internationale coordonne le réseau depuis la Suède. 

Qu’est-ce qui vous relie ? 

TEH a hérité d’influences très diverses : que ce soit le mouvement DIY, la culture des squats, des artist-run centers, mais aussi les communautés hippies et les penseurs du droit à la ville comme Jane Jacobs et Henri Lefebvre. Toutes nos initiatives sont indépendantes et viennent du terrain. Ce sont avant tout des communautés qui grandissent à l’intérieur d’un lieu et qui ne sont ni pré formatées par les politiques publiques ni pilotées par des objectifs mercantiles mais répondent à de vrais besoins communs. Notre réseau défend la notion de diversité culturelle et se dédie à la justice sociale et spatiale, en utilisant la culture pour transformer la société, la communauté, les quartiers, les villes. 

Quels sont vos objectifs communs ? Quels programmes développez-vous pour y répondre ?

Déjà celui de la transmission des savoirs : on informe, on favorise l’apprentissage par les pairs. Avec « Duct tape and dreams », on accompagne les jeunes collectifs qui veulent ouvrir un lieu mais n’ont pas toutes les clés. On soutient aussi nos membres pour qu’ils travaillent ensemble à des grands programmes de coopération européens ou internationaux, avec de la recherche des fonds, de la mise en réseau… On a aussi un programme de mobilité pour aller visiter d’autres centres. 

On agit aussi. Certains de nos membres sont en énergie positive pendant que d’autres menacent de fermer, avec des factures énergétiques qui grimpent jusqu’à 600%. Avec notre groupe de travail sur les bâtiments durables, on conduit un projet d’envergure financé par le programme Europe Creative : Re-building to Last. On veut orchestrer la rénovation durable de l’ensemble de nos lieux et faire de la création d’énergie un nouveau revenu. 

Notre travail est politique : de nombreux décideurs, financeurs et collectivités nous prêtent aujourd’hui l’oreille. Le futur de la culture est à la re-démocratisation et au retour des pratiques communautaires. Les principes du Nouveau Bauhaus européen lancé récemment par l’UE :  durabilité, communauté et esthétique… ce sont les nôtres depuis 40 ans !

Et pour la suite ? 

On va justement fêter nos 40 ans en juin cette année à Leipzig, inscrivez-vous ! On poursuit nos priorités autour du développement durable et de la diversité. On s’ouvre davantage à l’échelle internationale également, avec des nouvelles coopérations en Afrique et en Amérique du Nord.

Cet article est publié en Licence CC By SA afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.