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Une journée avec Johan Friry, animateur de lien social au 4bis

Hybrider les pratiques, accompagner, transmettre

24 juin 2024

Le 4bis : c’est l’adresse et le nom du tiers-lieu où exerce Johan Friry à Auch, en Occitanie. Animateur de lien social, il y développe des projets entre habitants et travailleurs en insertion autour du jardin pédagogique qu’il a contribué à créer. L’espace vert de cette régie de quartier occitane devient le champ d’exploration de pratiques intergénérationnelles qui combinent numérique, agriculture urbaine et convivialité. Troisième opus d’une série de portraits de travailleurs et travailleuses des tiers-lieux dans l’Observatoire.

Johan Friry est animateur de lien social au 4bis à Auch, en Occitanie. L’association qui le porte, Garros Service, existe depuis 1988 et fait partie du mouvement des régies de quartier. Au moment où Johan la rejoint, c’est pour aménager le jardin de sa nouvelle adresse. Toujours dans le même « tout petit quartier » de la préfecture du Gers. « Petit quartier, petite échelle, tous les mêmes problèmes, mais en petit. »

Les 700 m2 de jardin du 4bis, situé en bordure d’un quartier prioritaire de la ville, Johan s’en sert pour créer du lien. Entre ses collègues, d’abord : 25 personnes en contrat d’insertion de 26h/semaine et 3 en CDI, comme lui – deux conseillers numériques et une éco-médiatrice. Mais aussi avec le public, des habitants du coin « de 2 à 84 ans de toutes nationalités ». Cuisine, maraîchage, apiculture : autant de manières de faire commun par la terre dont l’animateur de lien social, autrefois ingénieur en agronomie, se saisit avec enthousiasme.

L’herbe est plus verte ailleurs

Quand l’association Garros Service recrute Johan Friry, elle a à peu près son âge : une trentaine d’années. L’activité de la régie « tient la route », et dégage des bénéfices alors utilisés pour créer un pôle d’animation sociale, regroupant habitants, collectivités locales et bailleurs sociaux. 

À cette étape de sa vie, Garros Service est nichée au huitième étage d’une tour d’Auch. Elle y sensibilise aux questions d’économie d’énergie et propose de l’aide à la scolarité. En 2021, dans un mouvement global d’hybridation des pratiques, elle décide de créer un jardin pédagogique et de renforcer ses projets numériques. L’association déménage alors au 4bis rue du Bourget et prend le nom de cette nouvelle adresse. 

« Je suis vraiment arrivé dans une maison où le jardin servait de parking. C’était juste de l’herbe coupée », se souvient Johan. Recruté comme animateur de lien social, il se voit donner carte blanche pour développer le jardin. Il dispose d’une belle enveloppe qui lui permet de doter le 4bis d’un potager et d’un herbier numérique.

La fleur au fusil 

Car dans le cadre du plan France Relance, Le 4bis devient tiers-lieu. Pour Johan, c’est un statut qui souligne l’évidente transformation du projet, mais aussi « sans mentir, un moyen d’avoir des financements ». Ceux-ci permettent de soutenir la diversité des activités que développe Le 4bis et que Johan accompagne.

« Moi je travaille sur comment les gens regardent les insectes. »

Au départ, l’animateur est surtout recruté pour son expertise en agronomie et ses connaissances dans le numérique : « de formation scientifique », Johan ne s’en cache pas :  « l’humain, ce n’était pas trop [son] truc ». « Moi, ce qui m’intéressait, c’étaient les végétaux et les écosystèmes ». Si après un poste au CIRAD en Guadeloupe et un tour du monde le retour à Auch, d’où il est originaire, sonnait comme un évidence, faire de l’éducation populaire en tiers-lieu l’était beaucoup moins.

La transmission est pourtant ce qui fait le lien entre les tâches qui l’occupent désormais au quotidien. Loin du milieu « hors sol » de la recherche, Johan a les deux pieds bien ancrés dans le sol et les yeux rivés sur ses apprenants. « J’essaie de travailler sur le regard, comment les gens regardent les insectes par exemple, et comment on peut faire évoluer leurs idées reçues ».

Jardin secret

Dans sa fonction, il y a « un côté vulgarisation scientifique » dans lequel se retrouve bien Johan mais qui est assez prenant. D’autant qu’il condense ses 35h hebdomadaires sur quatre jours, « ce qui permet d’avoir de grandes plages horaires d’ouverture du lieu ». Alors le vendredi soir, « je prends ma voiture, je vais dans les Pyrénées, je fais des activités sportives, des choses qui me sortent complètement de mon quotidien ».

Ce souhait de se préserver se retrouve aussi dans sa manière de mettre à distance ses opinions personnelles. Observateur des débats qui animent les participants de ses ateliers, Johan reste en retrait : « Je n’ai pas besoin de dire que le bio c’est magnifique. Ils parlent pour moi, mes légumes ». Avec peut-être en tête les échanges qui animaient la veille le Comité d’animation de la Rôsée dont il est membre ou les bilans budgétaires du tiers-lieu.

Car l’animateur prend désormais part aux décisions concernant la vie du 4bis et ceux de sa région. Une manière de compenser le turn-over important des équipes et de tirer parti de son expérience : « Avec mon ancienneté, je peux avoir un peu plus le nez dans ces affaires. Ça ramène à la réalité des finances de l’action sociale. La partie politique peut être un peu exaspérante ou déprimante parfois, mais c’est le jeu. »

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.