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Partenariats publics-communs : vers une démocratie coopérative ?

Retour sur l’aventure de la Charte des Communs avec son initiateur Xavier Perrin.

5 juillet 2022

La Ville de Grenoble affirme sa volonté d’explorer de nouveaux chemins permettant à chacune et chacun d’être à l’initiative de projets et de trouver sa place pour contribuer à transformer notre ville et faire face aux défis qui nous attendent.

Prendre au sérieux l’initiative citoyenne pour faire la ville

De nouveaux partenariats entre organisations publiques locales et collectifs de citoyen.ne.s, émergent et bouleversent les pratiques des communes : affectations de bâtiments en tiers lieux, mises à disposition d’espaces publics et « collaborations occasionnelles » avec les habitant.e.s pour se réapproprier la ville et en prendre soin. Ces coopérations tissent du « commun » ou en préservent. Par communs, on entend la maîtrise et la préservation d’un bien commun identifié comme tel (une ressource, un arbre, un quartier,…) par une communauté ouverte ;  par extension, nous appelons partenariats publics communs ces nouveaux types de partenariats entre collectivités et citoyen.ne.es actifs.ve.s. A Grenoble, ils se déploient au sein de nombreux dispositifs. L’opération Jardinons nos rues – mise à disposition d’espaces de jardinage collectif sur l’espace public. Plus à finalité sociale, les Jardins partagés sont quant à eux des projets transversaux aux directions s’adressant à des lieux de vie, des espaces publics dont la gestion est investie par des habitant.e.s ; les actions mêlent gestion des espaces publics et par exemple des politiques de santé et de prévention. La Place aux enfants conduit à fermer des rues à la circulation motorisée (temporairement ou non) où les enfants et les jeunes peuvent s’exprimer, ne rien faire, jouer gratuitement, en toute sécurité et tranquillité. Enfin, les Chantiers ouverts au public (COP) font des espaces publics – « bien commun par excellence » selon Franck Quéré, chef du service « Espace public et citoyenneté », des communs en impliquant les citoyen.ne.s. Ce dernier dispositif mis en place en 2018, le plus abouti, a permis une soixante de réalisations, impliquant activement environ 1 500 citoyen.ne s :  « L’objectif est d’encourager la capacité de chacune et de chacun à agir concrètement et directement sur son cadre de vie, d’aménager des espaces temporaires ou pérennes, conformes aux usages et aux envies des habitantes et habitants. Les COP sont un outil simple et convivial qui permet de co-construire la ville avec les habitant.e.s, en réfléchissant collectivement à l’usage qu’iels souhaitent donner aux espaces publics. De même, les COP permettent concrètement de donner à chacun l’occasion d’exprimer sa créativité, ses talents, ou sa curiosité, aux côtés de différent.e.s bénévoles ayant à cœur de faire vivre leurs quartiers dans une ambiance de coopération ». Parmi les chantiers, un énorme jeu pour enfants (La Dragonne) monté par les habitants, l’aménagement de la cour d’une MJC, la création d’une assise autour d’un arbre à palabre ou d’un local de stockage vélos, des peintures au sol, des fabrications de mobiliers urbains… Les acteurs associatifs et tiers lieux du territoire sont désormais en demande pour co-construire de nouveaux espaces de vie et d’expérimentation, sur les espaces publics mais également dans les bâtiments. Le besoin d’un cadre plus complet de coopération s’est donc posé pour amplifier ces coopérations tout en les rendant plus autonomes.

Passer d’une démocratie participative à une démocratie contributive

Souhaitant développer les différentes dimensions de la démocratie locale lors du premier mandat du maire Eric Piolle, une démarche de concertation avec les unions de quartier, les conseils citoyens indépendants avait permis, en 2017, de poser les bases d’un référentiel partagé indiquant clairement les formes de participation que la Ville propose aux habitant.e.s : information, consultation, concertation et co-construction. De nouvelles formes de faire ensemble nous amènent aujourd’hui à enrichir ces dimensions avec celle de la démocratie contributive. 

La charte comme nouveau cadre de coopération pour  prendre soin de la ville

L’accélération des crises, le besoin d’entendre et d’accueillir l’initiative informelle des habitant.e.s deviennent pressants. Il est temps de reconnaître leur pouvoir d’agir et la citoyenneté active, tout en sécurisant ces coopérations tant pour les citoyen.n.es que pour la commune. L’enjeu est  de l’intégrer dans un dispositif unique, simple et lisible autorisant toute initiative de prise de soin de la ville et des biens communs du territoire grâce à un dispositif de collaboration occasionnelle du service public.

« Face à un problème à résoudre ou d’un défi à relever, la démocratie contributive considère le et la citoyen.ne non comme un.e usager.ère, un.e client.e ou un.e bénéficiaire, mais comme un.e acteur.trice, capable d’initiative, porteur.se de solutions. La démocratie contributive consiste à proposer aux citoyen.nes d’agir concrètement en modifiant leur cadre de vie et les services publics ».

(extrait de la délibération de mars 2022)

Cette charte validée par le Conseil municipal de Grenoble en mars 2022 repose sur  6 principes :

  • coopération : ouvrir de plus en plus la gouvernance des biens communs aux parties prenantes, en faire des communs, ouvrir aux contributions des citoyen.ne.s,
  • accessibilité et accompagnement du pouvoir d’agir : communication, transparence sur dispositifs, adaptation/ accessibilité, développer les capacités d’agir,
  • valorisation de l’expertise citoyenne, via des « pactes de coopération » et « certificats d’action citoyenne »
  • innovation juridique, via des outils juridiques permettant l’inclusion de toute personne volontaire et sa protection juridique,
  • administration coopérative : gouvernance coopérative et horizontale, coopération inter-services, faire en commun, compléter l’action de la collectivité,
  • respect des communs  en favorisant l’émergence des initiatives et communs à la croisée des politiques municipales.

Comme le rappelle Anne-Sophie Olmos, conseillère grenobloise déléguée aux communs :

 « Beaucoup d’habitant.e.s souhaitent apporter leur aide, sur l’espace public mais aussi dans les bâtiments. Pour dépasser les freins et risques juridiques, notamment en termes de sécurité, on a trouvé un cadre juridique approprié et suffisamment souple, pour répondre favorablement à ces sollicitations visant l’intérêt général. On peut désormais envoyer ce message aux habitants qui veulent coopérer avec la Ville : c’est possible et il y a une porte d’entrée. »

« La démocratie coopérative ouvre encore plus le champ de la participation. A la différence des autres types de participation, elle convient à certains publics plus à l’aise dans l’action qu’au débat, à prendre la parole en public. Et nous récompensons par l’attribution d’un certificat d’action citoyenne ces bénévoles qui investissent de leur temps et de leur énergie au service de l’intérêt général. C’est une manière pour la Ville de dire merci, cela peut aussi être un « plus » dans le CV d’un demandeur d’emploi, j’aime bien cette idée. »  Anne-Sophie Olmos

Cet article est publié en Licence CC By SA afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.