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Vivifier le patrimoine par la culture vivante ? 

Regards sur les Centres Culturels de Rencontre, tenants d’une culture ancrée et en mouvement 

20 mai 2024

Depuis 50 ans, les Centres culturels de rencontre portent une manière de faire lieu à la croisée du patrimoine et de la culture vivante, dont les récentes évolutions les amènent à rencontrer nombre d’enjeux qui traversent aussi le mouvement tiers-lieux.

Dans la banlieue sud de Paris, entre les maisons individuelles aux jardins soignés de Fontenay-aux-Roses et les grands ensembles de la colline des Mathurins côté Bagneux, un chapiteau de 28 mètres de haut s’intègre dans le paysage. Conçu entièrement en bois par les architectes Patrick Bouchain et Loïc Julienne en 2015, il accueille l’association Le Plus Petit Cirque du Monde.  

L’entrée dans le bâtiment se fait par une simple porte donnant sur un chaleureux hall meublé de canapés et tables, sur un sol goudronné qui en fait symboliquement une prolongation du quartier des TertresCuverons, classé quartier prioritaire de la ville. De là, on accède aux salles occupées toute l’année par des cours de cirque et des résidences, ainsi qu’à la majestueuse salle de spectacle centrale. Au-delà des arts du cirque, le lieu se conçoit comme un espace de vie et de rencontre aux usages multiples, rythmé de réunions associatives, concerts, temps de chorale ou autres événements proposés par les habitants à l’occasion des « Vendredis Baraque ». 

En 2023, le Plus Petit Cirque du Monde a obtenu le label national Centre Culturel de Rencontre (CCR), qualifiant des lieux de patrimoine qui accueillent des projets artistiques, culturels et intellectuels exigeants. Pensé au début des années 1970 pour donner un nouveau destin à des monuments historiques, le label s’ouvre depuis plusieurs années à des lieux qui portent d’autres conceptions de la culture, du patrimoine ou des rapports au territoire, dont une partie du mouvement tiers-lieux duquel le Plus Petit Cirque du Monde tient sa filiation.  

Modèle hybride, méthode empirique 

À l’origine des Centres Culturels de Rencontre, il y a une aventure institutionnelle relativement inédite au sommet de l’État. En 1972, le ministre des Affaires culturelles Jacques Duhamel, accompagné de son directeur de cabinet Jacques Rigaud et du directeur de la Caisse des monuments historiques, Jean Salusse, craint que sa politique ne se scinde entre le patrimoine d’un côté et l’action culturelle de l’autre. Le premier « d’essence conservatrice », la seconde « dérivant vers la contestation » L’émergence des Centres culturels de rencontre— Témoignage de Jacques Rigaud. Histoire des CCR. Association des Centres culturels de rencontre, à l’adresse https://www.accr-europe.org/fr/Ressources/histoire-des-ccr/temoignages-de-jacques-rigaud..  

En alliant la conservation et la mise en valeur d’un site patrimonial avec un projet artistique et culturel contemporain, les CCR répondent à ce besoin d’unification, tout en réinvestissant des lieux parfois délaissés ou en voie d’être commercialisés, à l’image des Paradores Au début du XXe siècle, le gouvernement espagnol cherche à créer une structure hôtelière permettant d’accueillir les touristes. Le premier Parador naît alors en 1928 et rapidement, d’autres structures de ce type sont créées, jusqu’à former un réseau. Il y a aujourd’hui 94 Paradores dans le pays et en 1991, ce réseau est constitué en société anonyme appartenant à l’État. en Espagne.   

Dès sa création, le label vise à qualifier des initiatives existantes plutôt qu’à imposer un programme. À l’origine sont impliqués la Saline Royale d’Arc-et-Senans (Doubs), monument industriel du XVIIIe siècle, hôte dès 1970 d’un « Centre international de réflexion sur le futur », ou l’Abbaye de Royaumont (Val-d’Oise) hébergeant de prestigieux colloques de biologie et d’anthropologie.  

C’est cette approche empirique qui a donné sa forme hybride à ce « label-carrefour », innovant sur la forme par sa transversalité et sur le fond par une vision du patrimoine encore rare dans les institutions à l’époque. Ces « monuments qui parlent » entendent ainsi offrir une rupture avec l’expérience de la fréquentation de « vieilles pierres accessibles, moyennant un droit d’entrée, à un public docile guidé par des gardiens à casquette débitant mécaniquement un texte appris par cœur » Ibid..  

Par la suite, l’engagement successif de hauts fonctionnaires et d’élus parisiens, dont Serge Antoine, Jacques Legendre, Yves Dauge ou Bernard Latarjet, a suscité l’intérêt grandissant des pouvoirs publics pour le label, de la reconnaissance d’utilité publique du réseau en 1983 à la signature d’une charte entre le réseau des CCR Disponible en ligne : https://www.accr-europe.org/. et le ministre de la Culture Jack Lang en 1992, suivi de l’inscription du label dans la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCPA) et sa cession à l’État en 2016.

On compte aujourd’hui 23 Centres culturels de rencontre en France, chacun centré sur des projets culturels (création artistique, réflexion et/ou transmission) organisés autour d’un thème singulier : « musique et sacré » à l’Abbaye d’Ambronay (Ain), « écritures du spectacle » à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon (Gard), « musique et arts numériques » au Couvent des Dominicains de Haute-Alsace (Haut-Rhin)… 

De la culture de proximité 

L’aventure des CCR raconte aussi en creux une nouvelle approche de la culture qui s’ancre dans les territoires, illustrée à la fin des années 1960 par la création des premières Directions régionales de la culture (aujourd’hui DRAC).  

Car les deux tiers des CCR sont implantés dans une commune de moins de 5 000 habitants. Sauf exception, comme le Domaine de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher) internationalement réputé pour ses jardins et situé sur la touristique route des Châteaux de la Loire, l’affluence et la pérennité économique des Centres tiennent donc à leur ancrage local et au lien tissé avec les habitants. 

Même si la plupart des lieux sont pensés à leur création autour de propositions artistiques exigeantes – que l’on pourrait « qualifier de vision descendante de la culture », concède Odile Pradem-Faure, déléguée générale de l’Association des Centres culturels de rencontre (ACCR) –, ils témoignent d’une envie relativement nouvelle avant les années 1980 d’élargir les publics en associant le plus possible ceux de proximité. De quoi avoir « les deux pieds dans la terre et la tête dans l’avenir qui se fait », pour reprendre l’expression du haut-fonctionnaire Serge Antoine.  

Aujourd’hui, la plupart des CCR apparaissent comme de véritables « projets culturels de territoire », tissant des partenariats avec les établissements scolaires, offices de tourisme et structures culturelles locales, mais aussi avec des associations, des paysans ou des structures médico-sociales Ici, la notion de « projet culturel de territoire » est utilisée au sens d’Emmanuel Négrier et Philippe Teillet (2019), dans Les projets culturels de territoire, Presses universitaires de Grenoble. À ce propos, L’Observatoire 2022-2023 des Centres culturels de rencontre, réalisé par trois chercheurs du CEPEL, précise : « [Les Centres culturels de rencontre] épousent les caractéristiques [des projets culturels de territoire] en matière de formalisation institutionnelle (et notamment de contractualisation), d’organisation de l’action collective, de vision du bien commun territorial, de variété des échelles de référence et de coopération, et d’orientation du développement local à partir d’un projet artistique et culturel ».. « Il y a, en saison, à peu près quarante personnes fragilisées qui, chaque semaine, viennent contribuer au fonctionnement de notre CCR », rapporte Alexia Noyon, directrice de la Chartreuse de Neuville (Pas-de-Calais) Citation issue du Manifeste de l’ACCR

Au-delà du travail de médiation effectué dans des régions parfois zones blanches du service public culturel, les CCR peuvent se prévaloir de s’insérer dans les territoires en participant à la vie économique locale : un Centre embauche en moyenne 25 équivalents temps plein pour l’entretien du patrimoine, l’administration ou la programmation artistique Données de L’Observatoire 2022-2023 des Centres culturels de rencontre.

  « Les Centres culturels de rencontre cochent aujourd’hui la plupart des cases de ce que l’on peut désigner comme les nouveaux paradigmes des politiques culturelles : intersectorialité, territorialisation, démocratie culturelle… »

Faire réseau dans la diversité 

Cette attention à la spécificité des territoires a conduit le réseau des CCR à réunir une grande diversité en son sein. Diversité des projets artistiques, des lieux investis, d’envergures et de statuts juridiques (associations, EPCC Établissement public de coopération culturelle., fondations). Ce choix à contre-courant de la grande majorité des labels culturels (scènes nationales, FRAC Fonds régionaux d’art contemporain.…) a été compensé par une capacité à faire réseau dès l’origine du mouvement. L’Association des Centres culturels de rencontre (ACCR) est fondée dès 1973, soit un an après la création des CCR, pour coordonner le réseau, assurer son rayonnement national et favoriser les collaborations entre professionnels.  

Davantage que les prérequis formels du label – dont l’autonomie juridique –, c’est une philosophie commune qui relie ces lieux dissemblables répartis aux quatre coins de la France. Un esprit incarné dans une « méthodologie commune, intimement liée à la pratique », et une « forme d’appartenance commune » selon Isabelle Battioni, déléguée générale de l’Association de l’ACCR de 2010 à 2021, aujourd’hui directrice de l’abbaye d’Ambronay, labellisée CCR Citation tirée du Manifeste de l’ACCR..  

L’identité du réseau est aussi amenée à se redéfinir régulièrement au fil de l’évolution des structures et des personnes qui le constitue. Un héritage de la démarche empirique qui a présidé sa naissance. Ainsi, la labellisation du théâtre corse l’Aria en 2021 témoigne de l’élargissement de la notion de patrimoine au sein du réseau. Si l’Aria s’est vu labellisé CCR, c’est moins pour ses deux « bâtiments remarquables », leur caractère certes « emblématique », que pour son environnement naturel unique, au cœur de la vallée du Giussani https://www.accr-europe.org/fr/l_accr/membres/laria.  

De même, la labellisation de la Ferme de Villefavard en 2022, ou du Plus Petit Cirque du Monde en 2023, procède de ce mouvement d’extension. Pour la première, c’est la ruralité qui fait patrimoine au sein d’une ferme-modèle du Limousin. Pour le second, c’est la reconnaissance du « patrimoine des périphéries ». 

« Le chapiteau s’inscrit dans une architecture plus large : celle des grands ensembles des banlieues parisiennes. Notre labellisation permet d’enfin affirmer que les banlieues accueillent du patrimoine, le patrimoine de demain » développe Elefterios Kechagioglou, directeur du Plus Petit Cirque du Monde. « Ça rompt avec les discours dévalorisants, prétendant qu’il n’y a rien à voir ici ». 

Du patrimoine aux patrimoines  

Même si elles sont cohérentes avec l’approche culturelle de l’ACCR, ces récentes labellisations n’ont pas échappé aux réticences d’une partie du réseau, provoquant de vifs débats autour de cette conception du patrimoine comme « relation à » – au vivant, aux traditions, à l’histoire d’une population – plutôt que comme bâti. Mais au bout du compte, les CCR accompagnent une évolution plus large, cristallisée par les Conventions de l’UNESCO. Après 1972 et la définition du patrimoine comme pouvant être culturel, naturel ou mixte, l’organisation internationale l’a élargi en 2003 aux « pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire » ainsi qu’aux « instruments, objets, artefacts et espaces culturels » qui leur sont associés, définissant ainsi le patrimoine immatériel Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO (2003)..  

L’originalité de l’approche de l’ACCR est de prendre en compte l’évolution des définitions du patrimoine et de les superposer. C’est ce que souligne le nouvel aménagement paysager de la Saline royale d’Arc-et-Senans en 2022. Si le projet vise à réaménager les jardins du site « tout en respectant les critères qui ont présidé à son inscription sur la Liste du patrimoine mondial », il a aussi pour ambitions de « rendre enfin visible le projet d’une ville idéale […] imaginée au XVIIIe siècle », « créer un îlot de biodiversité unique » et proposer des « laboratoires du paysage » aux étudiants-paysagistes Clément, G., Fauve, C., Picon, G., & Turcat, R. (2022). Un Cercle immense : Gilles Clément, Vincent Mayot et Leïla Toussaint à la Saline royale. Éditions du Patrimoine.. En somme, le projet mêle histoire, biodiversité et pratiques. 

La labellisation du Plus Petit Cirque du Monde résonne également avec le travail de fond mené par l’ACCR autour des « communautés patrimoniales » depuis leur formulation en 2005 dans la Convention de Faro du Conseil de l’Europe. À travers des rencontres et formations, l’association invite ses membres à penser le patrimoine au cœur d’« un écosystème qui relie et inclut les personnes »  https://www.accr-europe.org/fr/rencontres/la-convention-de-faro.. Et de souligner que le patrimoine tient moins aux objets et aux lieux qu’aux significations et aux usages que les personnes leur attachent.  

À Bagneux, le chapiteau du Plus Petit Cirque du Monde a ainsi été conçu selon des principes de programmation ouverte : tout au long de la construction, les habitants ont pu visiter le chantier, exprimer leurs besoins et s’impliquer à travers des projets artistiques et culturels. Par exemple, un poète a travaillé avec des enfants autour de la rédaction de poèmes, ensuite inscrits sur les poutres apparentes du bâtiment.  

Laboratoires des usages, de la culture, du territoire 

L’architecture du Plus Petit Cirque du Monde a aussi été pensée dans une logique de forte modulabilité des espaces pour correspondre à la diversité des usages qui caractérise la plupart des CCR (tourisme, expositions, festival, hôtellerie). Une diversité ouvrant la porte à la mixité des publics, rapprochant donc les lieux labellisés de l’une des définitions des tiers-lieux apportée par l’ouvrage de Paul Émilieu et Anne Plaignaud, Tiers Lieux. La guerre des usages Émilieu, P., Plaignaud, A. (2023). Tiers Lieux. La guerre des usages. Matières Première. Le directeur du lieu balnéolais, Elefterios Kechagioglou, témoigne d’ailleurs ne jamais avoir eu le sentiment de « trahir » un supposé « esprit tiers-lieux » en se labellisant CCR. Au contraire, ce dernier a donné « une légitimité intellectuelle, presque la responsabilité, de diversifier les usages ».  

Cette volonté de mixité des publics s’inscrit dans les enjeux de droits culturels qui traversent les pratiques des CCR. « Comment faire pour éviter que ce soit toujours les mêmes qui franchissent notre porte ? » s’interrogeait en novembre dernier Hubert Tassy, président de l’ACCR, à la tribune des rencontres célébrant les 50 ans de l’association.  

En ce sens, les Centres multiplient les expérimentations pour coopérer avec les habitants. À l’image de la Balade à Béla programmée au printemps 2023 par l’Abbaye de Noirlac (Cher). Le spectacle fait cheminer un quatuor de musiciens dans plusieurs villages autour de l’Abbaye, accompagnés de jeunes musiciens des écoles du territoire.  

« Dans un endroit souvent stigmatisé comme étant un désert, la question de l’accessibilité revêt un sens très concret : qui va venir ? Qui ne va pas venir ? Qui, surtout, peut venir ? Qui a une voiture ou pas ? Qu’inventer pour que celles et ceux qui n’en ont pas puissent venir ? », explique Elisabeth Sanson, directrice de l’abbaye de Noirlac Citation issue du Manifeste de l’ACCR.  

Sur le plan écologique, les CCR souhaitent devenir des exemples moteurs de la mobilisation et de la sensibilisation des publics. C’est ainsi que le Festival international des jardins organisé depuis 1992 au Domaine de Chaumont-sur-Loire a mis à l’honneur en 2023 le « jardin résilient » face au dérèglement climatique, tandis que le Château de Goutelas (Loire) organisait un Festival des futurs possibles sur le thème du sol, rassemblant des dizaines d’intervenants pour « imaginer ensemble de futures alliances terrestres ». 

Mais la diversité des activités, associée à une certaine culture de la débrouille, n’est pas sans incidence sur les modalités du travail au sein des CCR. L’écart qui existe souvent entre l’ambition des projets et les ressources économiques et humaines disponibles conditionne des postes polyvalents que l’on peut présumer épuisants et une sur-représentation du recours aux emplois précaires. Les chercheurs du CEPEL qui ont réalisé l’Observatoire 2022-2023 des CCR estiment ainsi que la part de contrats à durée indéterminée (CDI) parmi les équipes des CCR est en moyenne de 28,8% en 2022. Ils soulignent également une certaine répartition genrée des postes à responsabilité L’Observatoire 2022-2023 des CCR précise : « Les femmes occupent l’ensemble des postes de secrétariat déclarés, et huit postes sur dix dans l’administration et la médiation. En revanche, seulement quatre postes techniques sur dix et un peu moins de la moitié des postes de programmation sont occupés par des femmes. ».  

Concilier institutionnalisation et esprit pionnier ?   

Il n’en reste pas moins que le caractère hybride et le goût de l’expérimentations propre aux CCR permettent à une grande partie d’entre eux de « cocher la plupart des cases de ce que l’on peut désormais désigner comme les nouveaux paradigmes des politiques culturelles : intersectorialité, territorialisation, vivification du patrimoine et démocratie culturelle en particulier », selon les chercheurs du CEPEL. 

Les pouvoirs publics ont d’abord envisagé les CCR comme un instrument de rayonnement culturel, suivant l’intuition du haut-fonctionnaire Serge Antoine convaincu du pouvoir des CCR de « lancer ou relancer l’Europe culturelle ». À côté du Réseau international des Centres culturels-Monuments historiques créé en 1991 à Dublin à l’initiative de l’ACCR, le ministère de la Culture finance depuis 2003 le programme Odyssée ayant permis à plus de 750 artistes ou intellectuels étrangers de mener des résidences au sein des CCR.  

Puis l’État s’est intéressé à la capacité des Centres à prolonger les politiques culturelles dans les milieux ruraux et péri-urbains. La compétence d’attribution du label a été progressivement dessaisie à l’ACCR. De la création d’une commission nationale des CCR en 1996, dans laquelle l’association reste incontournable, jusqu’à la déconcentration du label en 2020, confiant l’octroi aux Directions régionales des affaires culturelles (DRAC). 

Cette institutionnalisation s’est accompagnée de subventions nationales, variables entre 30 000 et 200 000 euros selon la taille et la nature des projets, et d’une reconnaissance officielle facilitant les rapports avec les pouvoirs publics locaux. Car les CCR, comme beaucoup de structures culturelles du territoire, témoignent d’une certaine dépendance aux labels nationaux (CCR, Fabrique de territoire, Manufacture de proximité…) pour négocier leurs subventions locales. 

Malgré la grande diversité des situations et modèles économiques, ces fonds publics représentent en moyenne 58,2% des ressources des CCR, devant les ressources propres (33,1%) et les financements privés (8,7%). Le tout pour un budget médian d’environ 1 840 000 euros Données de l’Observatoire 2022-2023 des Centres culturels de rencontre.. Et selon l’Observatoire 2022-2023 des CCR, l’objectif informel des pouvoirs publics est d’atteindre à terme l’équilibre entre ressources publiques et privées en encourageant davantage l’hybridation.  

À cet égard, la déléguée générale de l’ACCR Odile Pradem-Faure alerte sur les risques associés aux processus d’institutionnalisation qui peuvent annihiler la créativité et le pouvoir émancipateur de certaines initiatives culturelles empiriques. « L’histoire des Centres est faite de gens qui ont eu d’abord envie de bouger, de porter un projet local autour d’une thématique qui les intéressait, avec une grande place laissée à des profils de self-made man et self-made woman ». Elle évoque alors l’évolution des procédures de recrutement, favorisant de plus en plus l’embauche de personnes « issues du sérail » aux postes de direction. « La simple conviction de la nécessité de faire, de sauver un lieu de patrimoine, de porter un projet artistique original n’est plus un critère suffisant pour accéder à la direction d’un lieu ».

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.