À l’initiative de quatre médecins généralistes, La Générale est un tiers-lieu de santé qui vient bousculer les codes traditionnels de la médecine à Anglet. Découvrez notre reportage vidéo sur ce tiers-lieu et les différents acteurs et actrices qui le traversent, et en font un lieu de coopération.
Implanté à Anglet, le tiers-lieu La Générale est soutenu par l’association UrFU, et se donne pour objectif de promouvoir la santé globale (mentale, physique, sociale) grâce à un espace attractif auprès des usagers et des professionnels. Le tiers-lieu souhaite déconstruire la posture descendante entre médecins et patients focalisée essentiellement sur le soin, et apporter un regard plus englobant de la santé, en s’inspirant de la définition donnée par l’OMS (depuis 1946) : « la santé correspond à un état de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » L’espace est ainsi pensé de sorte que les usagers et usagères puissent rencontrer facilement les professionnels du soin, notamment autour d’un café, et qu’ils aient accès à un panel d’événements dédiés à la prévention. Par ailleurs, face à la démultiplication des offres de soin et de bien-être et le manque d’informations des patients, La Générale centralise différentes propositions de soins “vérifiées”, allant de la médecine générale, aux approches de médecines alternatives, et s’érige contre les dérives sectaires.
De par la disposition de son espace, sa localisation, et ses valeurs, le lieu permet aux usagers (professionnels, associations de prévention, patients) de se croiser et de créer des projets communautaires qui renforcent le lien entre professionnels de santé et communauté locale. Il nous a ainsi semblé intéressant de partir à la rencontre de plusieurs personnes et structures (privées et publiques) qui sont partie intégrante ou coopèrent avec La Générale. En complément de notre format vidéo, nous vous proposons l’intégralité de ces 3 interviews.
Quiterie Cazaubiel, administratrice du lieu
Je m’appelle Quiterie Cazaubiel, je suis une des cofondatrices de la Générale et aujourd’hui j’assure le poste de coordinatrice-bénévole du lieu. Ingénieure de formation, j’ai été cheffe de projet pour concrétiser ce lieu et maintenant, j’accompagne les porteurs de projets à porter leurs idées au sein de La Générale.
Qu’est-ce que La Générale ?
La Générale est un tiers-lieu de santé imaginé par des médecins généralistes qui souhaitaient faire la promotion de la santé. On trouve dans ce lieu un pôle santé avec 5 salles de consultation et un lieu de vie comprenant un café et 2 salles polyvalentes.
Que signifie « tiers-lieu de santé » ? En quoi est-ce différent d’une maison de santé ?
Une maison de santé permet à des professionnels de santé de partager un même lieu et de travailler en collaboration. Ici, on a poussé le curseur un peu plus loin, en y intégrant des acteurs du bien-être, du sport, du monde de la culture et de la restauration. On est parti d’études qui montraient que la santé d’une population ne reposait qu’à 25% sur le système de soin, et que les 75% restants correspondaient plutôt à l’environnement de la population, c’est-à-dire son bien-être mental, physique et social. On a donc souhaité intégrer ses acteurs dans le lieu. Le café joue le rôle de lien social mais aussi d’outil de promotion du “bien-manger”. C’est toujours plus sympa quand c’est un barman qui vous vante les bienfaits des boissons fermentées. Par ailleurs, les activités proposées tournent toujours autour du bien-être mental et physique.
Quelles alternatives proposez-vous aux approches classiques de la santé ?
La Générale essaie de répondre à deux besoins remontés des patients :
- Avoir plus de temps d’échange avec les praticiens : ne pouvant agir sur les temps de consultation, nous proposons des temps d’échange lors des conférences santé qui ont lieu une semaine sur deux. Elles permettent d’une part, aux professionnels de santé de prendre une heure pour développer un sujet et de l’autre, aux patients d’échanger sur leur expérience personnelle.
- Être aiguillé face à la multitude de propositions existantes. Nous essayons, à travers ce lieu de mettre en lumière les associations, les actions qui existent sur le territoire et d’être (à notre échelle) un rempart contre les dérives sectaires en s’assurant du sérieux des professionnels du lieu. La Générale se veut un lieu ressource qui facilite la mise en action des patients pour qu’ils deviennent acteurs de leur santé.
Quel est le fonctionnement du lieu ? Quelles sont les principales personnes qui font vivre le lieu ?
C’est l’association UrFU qui pilote le lieu. Nous avons deux types d’activités :
- La première est la location d’espaces. Médecins, professionnels de santé, mais aussi prof de chant, yoga, pilates, sont locataires de l’association. Ils sont appelés “résidents”.
- La deuxième activité est l’animation du lieu : avec la tenue du café, l’organisation d’animation culturelle et animation de santé. Ces animations se font grâce à l’aide principale de bénévoles. Pour le moment, nous n’avons qu’une seule salariée, mais la gouvernance du lieu s’ouvre petit à petit. En septembre (2024), nous intégrons dans le CA, un représentant bénévole et un représentant des résidents.
Ornella MAGRIS, sophrologue à la Générale
Je m’appelle Ornella Magris, je suis sophrologue, préparatrice mentale du sport et psychanalyste. J’interviens à La Générale dans le cadre de consultations individuelles et ateliers collectifs. Travailler au sein de La Générale m’a donné l’opportunité de développer deux projets sur la santé mentale, et de favoriser des partenariats avec des structures et des associations, telles que le Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM).
Quel est l’impact de travailler en tiers-lieu de santé sur la relation soignante/soignée ?
Dans un tiers lieu, tu n’es pas seulement soignant, tu es barman, coordinatrice de projet, bénévole sur un évènement, aidante à la création d’affiches pour la communication … Et tu montes en compétence. Les relations soignantes/soignées sont décloisonnées pour laisser la place à des humains qui souhaitent transmettre des valeurs, partager des idées, des créations innovantes dans l’intérêt d’aider l’autre, de dépasser des limites, d’élever sa conscience. Le lieu en lui-même est, selon moi, thérapeutique, il crée ces échanges qui facilitent la relation de confiance.
Quelles initiatives découlent du travail en tiers-lieu ?
J’ai réalisé un projet sur la santé mentale en 2023 dans le cadre de la SISM – semaine d’information sur la santé mentale. Cet évènement a été clôturé par un vernissage des œuvres du Groupe d’Entraide Mutuel de Biarritz. Aujourd’hui je travaille autour d’un projet sur la santé mentale du sportif, qui débutera en octobre 2024 et qui se poursuivra selon les subventions obtenues.
Quelle est la genèse de ce projet ? Comment coopérez-vous avec La Générale sur ce dernier ?
Installée sur la côte d’Anglet, je fais beaucoup de surf et je m’intéresse au sport comme vecteur de soin. Grâce à La Générale, j’ai pu rencontrer des professionnels de santé, comme le Docteur Thomas Garrain, qui lie également le sport avec la santé mentale. Le projet est né de nos échanges, car nous avons remarqué que, dans le milieu sportif, la performance est souvent privilégiée au détriment de la santé mentale des sportifs ; avec pression, mauvaise gestion des émotions, fin de carrière et blessures à la clé. Ce qui est dommage, car le sport est un antidépresseur et un anxiolytique naturel.
Avec La Générale, nous souhaitons proposer des axes d’amélioration de la prise en compte de la santé mentale dans le milieu sportif actuel. Pour cela, nous recherchons avec l’équipe du lieu des sportifs de haut niveau de tous sports confondus. Plusieurs partenariats sont également en cours avec des structures de santé (santé mentale, santé du sportif) et des fondations, associations sportives.
Sans ma rencontre avec La Générale mon idée d’un projet sur la santé mentale du sportif n’aurait jamais évolué de cette manière.
Cyrielle ALCUGARAT, présidente de l’association Les Battements d’Elles
Je m’appelle Cyrielle Alcugarat et je suis la fondatrice et présidente de l’association Les Battements d’Elles que j’ai créée suite à mon propre parcours de soin d’un cancer du sein en mars 2020 pendant le 1er confinement. L’association accompagne les femmes en traitement contre le cancer et post-traitement au travers d’activités créatives, culturelles et sportives adaptées, pour les sortir de l’isolement social lié à la maladie, mais surtout leur offrir une parenthèse pendant le parcours de soin.
Aujourd’hui, l’association utilise les locaux de La Générale. Quel usage avez-vous du tiers-lieu ? Quels liens se sont tissés ?
L’association organise régulièrement des ateliers dans les locaux de la Générale parce que c’est un tiers-lieu de vie agréable, accessible, il permet de retisser du lien entre nos adhérentes qui parfois ne souhaitent plus voir d’équipe médicale suite à des traumatismes chirurgicaux ou avec des médecins. Le tiers-lieux permet de refaire confiance aux médecins qui sont amenés à servir le café et à échanger autour du comptoir dans un cadre moins formel. Nous proposons également à nos adhérentes de participer aux activités sportives – adaptées – qui sont proposées au sein de la Générale.
En mai dernier (2024) vous organisez, en partenariat avec La Générale, l’événement « Tous Cancernés » sur la prévention du cancer.
Oui, l’événement avait pour objectif de parler du cancer sous toutes ses formes avec des sujets trop peu abordés lors d’évènements de prévention conventionnelle. Par exemple, nous avons parlé de la précarité dû à la maladie, notamment suite à nos échanges avec plusieurs associations locales qui ont présenté l’aide qu’elles pouvaient apporter. D’autres sujets comme l’oncogénétique, ou le cancer chez les hommes, qui n’en parlent pas assez, ont également été abordés.
L’événement ayant lieu à La Générale, les spécialistes invités (oncologue, oncogénéticienne, chirurgienne…) avaient une réelle proximité avec les participants. Le fait d’organiser ces conférences dans le café associatif et en milieu restreint a permis aux participants et participantes de s’exprimer avec plus d’aisance et d’avoir des échanges moins conventionnels.
Quel était l’objectif de ces deux semaines ?
L’objectif de ces deux semaines était de proposer des conférences abordables pour le public avec des informations claires sans grand discours et de rendre accessibles les informations médicales de prévention ou de soins en faisant également connaître les associations qui accompagnent les patients tout au long de leur parcours. C’était aussi l’occasion de faire rencontrer médecins spécialistes et associations pour un meilleur accompagnement des patients.
Quel avenir de la coopération La Générale/Les Battements d’Elles ?
Nous souhaitons renouveler ce type d’évènement, en ce qui nous concerne, toujours autour du cancer et de l’accompagnement qui peut être proposé pour répondre aux besoins des patients et des aidants. Il s’agirait de proposer des évènements comme des soirées théâtre avec nos adhérentes sur scène ou des soirées loto pour récolter des fonds pour notre association mais avec aussi comme objectif de faire connaître ce tiers-lieu de vie à de nouvelles personnes.
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Marjolaine BARDET, service animation de la ville d’Anglet
Quelles actions menez-vous pour la ville d’Anglet ?
Je travaille au service Animation de la mairie d’Anglet, nous organisons des événements grand public tout au long de l’année : notamment, un spectacle pyromélodique, des soirées de concerts, l’organisation des marchés nocturnes, la semaine des séniors et la semaine du handicap.
Comment avez-vous connu La Générale ?
Ma collègue chargée de la Vie associative m’a informé du projet d’implantation du tiers-lieu La Générale sur Anglet. Sachant que nous œuvrons à mettre en place des actions à destination d’un public en situation de handicap physique, psychique ou mental et que nous sommes confrontés à la difficulté de mixer les publics, La Générale nous semblait un lieu pertinent pour mener certaines de nos actions. Nous avons alors pris contact avec Quiterie Cazaubiel afin qu’elle nous présente ce nouvel espace et voir quels étaient nos points de synergies.
En mars 2024, la ville d’Anglet déploie une semaine consacrée au handicap, « Autrem’handi ». Pourriez-vous revenir sur cette initiative et sur le partenariat créé avec La Générale ?
Depuis 2016, la ville coordonne une “semaine du handicap” avec plusieurs volets : inclusion, mixité, décloisonnement et actions dédiées aux personnes en situation de handicap. Chaque projet est différent et nous travaillons toujours en étroite collaboration avec des professionnelles ou associations référentes. Dans notre conception, le « travailler ensemble » est indispensable. Nous proposons à l’ensemble des associations œuvrant sur la thématique du handicap et des établissements spécialisés d’Anglet de se retrouver autour d’une table ; c’est ainsi tout naturellement que nous avons proposé à La Générale d’y participer.
Nous avons mené deux actions pour cette première année de collaboration. Tout d’abord, la création du Cabaret d’improvisation, mené avec La Cie de la longue vue (habituée des représentations à La Générale) qui travaille depuis des mois avec une structure spécialisée. Dans le cadre de la semaine du handicap, les résidents ont accepté de venir faire leur première représentation à La Générale. Et ce fut une véritable réussite : une heure de fou rire et un vrai moment d’inclusion ! Durant cette semaine du handicap, La Générale a également ouvert différents ateliers aux personnes en situation de handicap physique et psychique : que ce soit de la danse, du yoga, de la marche, de l’art thérapie ou encore de la relaxation.
De quelles façons cet événement a-t-il permis des rencontres entre La Générale et d’autres associations de la ville d’Anglet ?
Pour mener à bien cette semaine du handicap avec toutes les associations partenaires, nous avons fait plusieurs réunions de travail pour créer du lien entre les actions de chacune. Par ailleurs, en invitant La Générale, nous avons fait découvrir ce lieu de vie à différentes associations angloys qui disaient vouloir coopérer dans le futur avec La Générale.
Des entretiens à retrouver dans notre reportage vidéo !

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.