Un an et demi après avoir cofondé la Caserne Bascule, où il vivait depuis, à Joigny (89), Louis Pénisson prend un poste et emménage dans le centre-ville. Loin d’être un désaveu, ce déplacement prolonge un geste d’ouverture vers le territoire et lui permet d’expérimenter d’autres formes d’engagement au sein de la structure. Cinquième opus d’une série de portraits de travailleurs et travailleuses des tiers-lieux dans l’Observatoire.
Depuis 2021, le projet de la Caserne Bascule se déploie dans les 1500 m2 d’une ancienne caserne militaire de Joigny, en Bourgogne-Franche-Comté. Un terrain de jeu dans un paysage de carte postale, pour Louis Pénisson, son cofondateur.
C’est ce « lieu d’accueil autogéré au service des transformations écologiques, démocratiques, sociales et intérieures », porté par des bénévoles et qui fonctionne sans subventions, qu’il choisit comme terrain d’étude pour le mémoire qu’il rédige en 2023 dans le cadre du diplôme universitaire Espaces Communs. Un an et demi plus tard, les réflexions ouvertes par cette recherche continuent de s’étoffer.
L’arrivée d’un ovni
En 2020, Louis Pénisson quitte son poste de directeur dans une start-up parisienne et entame une formation au sein de Fertîles, l’une des sept structures nées du mouvement La Bascule lancé par Maxime de Rostolan en 2019. Il a alors « envie de vivre en collectif », raconte-t-il : sa formation a provoqué chez lui « une vraie prise de conscience sur les enjeux écologiques et le besoin d’avoir un quotidien plus aligné avec ses valeurs ».
Après deux mois de formation et trois mois de montage de projet, la Caserne Bascule ouvre ses portes en juin 2021 : « un lieu soucoupe volante arrive en ville », pointe Louis Pénisson. Au chômage, le cofondateur vit neuf mois à bord. Il est rejoint par d’autres personnes au parcours similaire qui ne tardent pas à être perçues par certains Joviniens comme de jeunes privilégiés en quête « d’une vie écolo fantasmée ».
Extraterrestres, les bénévoles de la Caserne Bascule se rêvent géographes. C’est le nom qu’ils se donnent dès 2021 en référence au passé du bâtiment, qui accueillait au XXe siècle le 28e groupe géographique de l’armée française. La métaphore se file en 2024 avec les topographes, ainsi que sont désignés les résidents de Joigny qui soutiennent le lieu. De nouveaux chemins se tracent au fil de ces trois ans entre la ville et le lieu.
Nouvelles cartographies
Celui que prend Louis Pénisson le conduit à rejoindre à partir de 2022 la Direction interministérielle du numérique, et à emménager seul dans un appartement en ville tout près de la Caserne Bascule. En mission freelance du lundi au jeudi, il passe son vendredi à travailler bénévolement autour de la gestion de l’association, les relations institutionnelles ou la communication du lieu mais son investissement déborde fréquemment sur le reste de la semaine.
Le fait de ne plus vivre dans le lieu de son engagement ouvre de nouvelles voies. Car, explique Louis Pénisson, « au sein de la Caserne Bascule un certain effet de bulle peut se créer et donner la sensation d’être entouré de gens qui raisonnent comme soi. » Le cofondateur y trouve aussi l’opportunité d’exister par lui-même et de ne plus être aux yeux des Joviniens « Louis de la Caserne Bascule ».
D’autres bénévoles suivent la même trajectoire et prennent racine dans la ville par leurs engagements : « Beaucoup s’impliquent dans des actions sociales, souligne Louis Pénisson, ce qui est une dynamique importante parce que le secteur est peu représenté à la Caserne Bascule. C’est une manière de soutenir le territoire sur cet enjeu ».
Mouvements réflexifs
La transformation du lieu de vie en lieu ressource pour le territoire impose aussi une transformation des outils, des postures et des rôles des bénévoles qui le font vivre. Trois ans après son ouverture, la Caserne Bascule entre ainsi dans une nouvelle période qui lui impose de repenser sa gouvernance.
Aux questions que se pose Louis Pénisson – « quel est le rôle des fondateurs et des personnes sources dans le projet ? Quel est le poids décisionnel qu’elles doivent avoir ? » – s’ajoutent celles discutées à l’occasion de l’Assemblée générale organisée fin septembre 2024 : « comment adapter le projet, son fonctionnement, sa gouvernance, à une nouvelle réalité et à du temps long ? Comment permettre aux locaux de s’approprier de plus en plus le bâtiment ? ».
Accompagnée par deux facilitatrices des collectifs Coopérative Oasis et Gouvernance Intégrative, l’équipe se donne un an pour y répondre. Mais l’année ne sera pas seulement à l’introspection. Le café associatif lancé par la Caserne Bascule dont il gère le bureau, mais aussi la programmation ou certains créneaux derrière le bar, bat son plein à Joigny.
Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.