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Une journée avec Ophélie Petit, chargée de projet et de développement territorial à l’arÊTE

Faire lieu ou faire lien ?

10 juillet 2024

À l’arÊTE, tiers-lieu dédié à la création et à la médiation culturelle situé à Besançon, Ophélie Petit est chargée de projet et de développement territorial. Un poste qui l’amène à faire lien, autant entre les tâches qu’avec les publics. Deuxième opus d’une série de portraits de travailleurs et travailleuses des tiers-lieux dans l’Observatoire.

Au sein du quartier des Chaprais à Besançon se trouve l’arÊTE, une manufacture de proximité qui réunit un atelier partagé, une matériauthèque et un espace d’éducation populaire et vise à questionner, par la création artistique et le lien, « les espaces intimes et publics ». Ophélie Petit, 33 ans, y est chargée de projet et de développement territorial depuis trois ans.

L’arÊTE est à la tête d’un consortium regroupant deux autres structures : l’organisme de formation professionnelle l’École des pratiques et le Café des pratiques, tiers-lieu labellisé fabrique de territoire. Pour répondre aux besoins de ceux qui fréquentent ce grand espace convivial, Ophélie place au cœur de ses missions le fait « d’être ouverte à l’autre, à l’écoute de ce qu’il cherche, de ce dont il veut parler ».

Portes ouvertes

Le quotidien d’Ophélie s’organise en semaines à deux vitesses. Jusqu’au mardi, elle assure des tâches tournées vers les relations partenaires, la stratégie et l’administratif. À partir du mercredi, l’ouverture du tiers-lieu au public amène son lot de rencontres, d’ateliers et d’imprévus. « De nouvelles choses arrivent un peu tout le temps et les priorités changent d’un jour à l’autre » raconte la chargée de projet. 

La polyvalence et la flexibilité nécessaires au poste sont induites par une grande disponibilité à la rencontre. Car l’arÊTE accorde une place centrale aux publics : « Tout est collaboratif, assure Ophélie. On implique tout le temps les publics dans ce qu’on fait. Ça peut être sur des plages définies mais aussi sur tous les temps d’ouverture, voire parfois quand le lieu est fermé. »

Certaines des tâches que réalise la chargée de projet ne font pas partie de sa fiche de poste. Mais de son parcours marqué par des expériences en urbanisme et aménagement du territoire, en maraîchage et en enseignement, elle tire une aptitude à naviguer entre les fonctions. Et son intérêt pour l’arÊTE, découvert en 2016 au hasard d’une annonce Pôle Emploi, lui fait accepter les compromis : « J’ai envie que les choses se passent. J’ai envie d’aider le lieu et les gens qui y sont ». 

Avec le cœur

Dans ce tiers-lieu qu’investissent certaines personnes en situation de précarité sociale ou affective, les relations peuvent être éprouvantes. « On a eu des difficultés avec des personnes qui fréquentaient le lieu, ce qui nous a beaucoup fragilisés » témoigne la jeune femme. Face à un turn-over important, l’équipe s’est fait accompagner.  

Si elle a permis d’apaiser les salariés et de ressouder l’équipe, l’intervention d’une psychologue a aussi servi à remettre les temps collectifs au cœur des pratiques. Pour Ophélie, ces moments sont précieux : « Aujourd’hui, on continue notre analyse des pratiques professionnelles. On essaie aussi de partager des temps de convivialité pour renforcer notre cohésion ».

D’après la chargée de projet, ce partage permet de verbaliser plus que d’analyser. Les tours de table permettent d’exprimer ce que chacun fait, ce avec quoi il se sent à l’aise. L’attention du groupe se porte ainsi sur les tâches plus que sur les postures. « La philosophie ici, c’est que si quelqu’un n’a pas envie de faire quelque chose, il vaut mieux qu’il ne le fasse pas. Parce que forcément, ce ne sera pas fait avec le cœur. Et quand ce n’est pas fait avec le cœur, c’est mal fait ».

Instantanés de vie

La centralité du faire se traduit dans les activités proposées par l’arÊTE et à laquelle contribuent ou participent les professionnels. « Fondamentalement, analyse Ophélie, notre lieu invite à faire quelque chose de ses mains, à faire ensemble ». Céramique, mosaïque, gravure, théâtre : c’est par ces ateliers créatifs que se tisse la relation aux publics. 

C’est aussi ce qui contribue à souder l’équipe autour du projet. Les sept personnes qui la composent aujourd’hui bénéficient ainsi de formations proposées par l’École des pratiques. La dernière a permis à plusieurs salariés de se former à la photographie argentique pour favoriser l’usage du labo photo et améliorer l’accompagnement de ses utilisateurs. 

Chacun, se sentant bien outillé, trouve par là davantage de sens dans sa posture professionnelle. Sur le plan personnel aussi l’apprentissage est bénéfique, ainsi qu’en témoigne l’enthousiasme d’Ophélie : « C’est vrai que quand on est un peu manuel, c’est un lieu génial. J’ai découvert la céramique en arrivant ». 

L’équipe a en partage avec les publics le fait d’apprendre de nouvelles choses à l’arÊTE. Les statuts, les rôles, les usages que tous font du lieu tendent à se fondre dans les pratiques communes : « Ce qui est beau, c’est de voir que petit à petit, au cours des temps dédiés à la fabrication, les gens commencent à discuter, à être en lien alors qu’ils n’avaient rien à voir au départ. J’ai l’impression que ce n’est possible nulle part ailleurs. »

Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.