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Livres et revues

L'ouvrage est un manifeste pour un système alimentaire postcapitaliste à même de lutter contre les inégalités et rapports de domination que reproduit la centralisation de la production par les multinationales. Membre de l’association d’éducation populaire Réseau Salariat fédérant des professionnels pour l’appropriation collective des moyens de production, les auteurs appellent par ce manifeste à réinventer un système de production alimentaire fondé sur cinq piliers : le travail, la propriété, la gouvernance, l’investissement et une vision partagée multi-acteurs : des entreprises de la filière alimentation conventionnée par les caisses de Sécurité Sociale dont la main d’oeuvre serait copropriétaire des outils de production pour une filière "débarrassée des objectifs lucratifs”. L'ouvrage appelle à multiplier les micro-fermes - celles-ci produisant actuellement 70% de l’alimentation mondiale, pour 25% d’occupation des terres agricoles - et des tiers-lieux nourriciers pour engager cette transition tant sociale qu’environnementale.

L’Atelier Paysan est une coopérative accompagnant le monde agricole dans la conception et la fabrication de machines et de bâtiments adaptés à une agroécologie paysanne. En 2021, la coopérative publie aux éditions du Seuil “Reprendre la terre aux machines. Manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire” appelant à un changement de paradigme radical, au-delà de l’enthousiasme de l’opinion publique pour les circuits courts, le bio et les AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne), du modèle de production agricole. L’essai appelle à déjouer la confiscation des savoirs et savoir-faire par les technologies et la logique d’économie d’échelle du marché pour revenir à des pratiques conviviales au sens d’Ivan Illich, soit la maîtrise d’outils, des ressources et d’échelles dans la production alimentaire par l’auto-conception de machines et de bâtiments en phase avec ces pratiques paysannes DIY. Un plaidoyer qui résonne avec les initiatives portées par l’émergence des tiers-lieux nourriciers qui comptent parmi ces alternatives comme démonstrateurs d’autres manières de produire à l’échelle des territoires.

Pour qui s’intéresse aux tiers-lieux comme organisations apprenantes où des principes d’action tels que l’apprentissage par le faire, l’expérimentation constante, la versatilité des postures entre sachant et apprenant ont droit de cité, les recherches au long cours de Claire Heber-Suffrin sont incontournables. Institutrice, docteur en sciences de l’éducation, enseignante et formatrice, décorée de la Légion d’Honneur, Claire Heber-Suffrin est cofondatrice des Réseaux d’échanges réciproques de savoirs, appelant à des espaces tiers de transmission, au carrefour de l’éducation populaire et de l’enseignement public, où la montée en compétence et la formation se feraient à l’aune d’une réciprocité entre pairs. Les pratiques à l’oeuvre au sein des réseaux d’échanges réciproques permettent d’éclairer la manière de structurer et essaimer ce qui s’expérimente, à l’échelle des tiers-lieux et de leurs réseaux, échange de savoirs et savoir-faire, formation pair-à-pair et documentation des expérimentations.

Arc en rêve, centre d'architecture à Bordeaux, a imaginé ce projet qui explore les nouvelles manières d'habiter le monde. Face aux mutations planétaires qui bouleversent les conditions de vie, constellation.s repère des initiatives individuelles et collectives qui dessinent des perspectives pour la fabrication de la cité, au regard des défis de demain. Le livre constellation.s invite à la découverte de la création architecturales et convoque les sciences sociales, la philosophie, l'architecture, l'économie pour rendre intelligible le monde que nous habitons. Avec en fil rouge ce constat : le besoin des sociétés humaines, dans un monde en mouvement et globalisé, de fonctionner depuis des archipels - ou “constellations” - ancrées localement et des relations rhizomatiques avec d’autres polarités d’affect, de lutte ou de transition à l’échelle du globe. Une clé de lecture pour un mouvement embrassant les tiers-lieux ?

En 2016, les Editions du Commun publient l’essai Le travail du commun du sociologue et professeur en sciences de l’éducation (Université Paris 8 - Saint-Denis) Pascal Nicolas-Le Strat. Au travers d’une mise en perspective de la notion de commun tant dans les mondes du numérique que des communs naturels ou la construction de savoirs, l’auteur nous immerge dans les pratiques collectives de communautés issues des luttes sociales ou de pratiques expérimentales et collaboratives. Positionnant le commun comme oppositionnel, c’est-à-dire luttant contre le marché d’une part, l’état de l’autre, afin “de renouer avec des formes de vie plus conviviales et plus solidaires ou que ce soit dans nos activités professionnelles et militantes dans un idéal de coopération et d’autonomie”. L’ouvrage investigue les notions centrales de gouvernance, de mutualisation, de capacitation, de co-création, de DIY et montre comment les communs ont la capacité d’ouvrir de nouveaux imaginaires et cadres de pensée. Par ses exemples, dont de nombreux tirés du champ artistique et culturel (squats artistiques, ateliers partagés…) et par son influence dans les positionnements de la coordination nationale des lieux intermédiaires et indépendants, l’ouvrage est une ressource incontournable pour comprendre ce qui s’invente en ces lieux d’hybridation, d’expérimentation, de réflexivité et de capacitation, par et pour le collectif.

Sous-titré “Retours d’expériences”, le livret ancre son propos dans les expérimentations des associations Habitat et Humanisme qui ont élaboré des projets de tiers-lieux solidaires sur leurs territoires ces dernières années. Au cœur du propos : les valeurs et objectifs portés dans ces lieux d’accueil inconditionnel, capables de recréer du lien social entre habitants d’un quartier. Le contenu de ce livret est issu des réflexions qui ont pu être menées dans le cadre d’ateliers de formation et de réflexion collective, organisés tout au long de l’année avec la Coopérative Tiers-lieux et les porteurs de projet de tiers-lieux solidaires d’Habitat et Humanisme. La Partie “Ouverture(s)” du livret fourmille d’exemples inspirants et pose un certain nombre de balises et points de repères aptes à outiller d’autres porteurs de projets. Aujourd’hui, Habitat et Humanisme porte ainsi 14 projets de tiers-lieux solidaires, répartis sur l’ensemble du territoire, et 6 nouveaux projets devraient ouvrir durant l’année 2023. Ce livret saura être un outil pour ces nouveaux projets, et au-delà !